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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch
Autoren: Jean-François Parot
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plus rien devoir obtenir de tels juges. Il en appelait au parterre assemblé, à qui il allait lire sa comédie. Si celui-ci la jugeait digne, il forcerait cet indigne aréopage à l'accepter. Il se mit en devoir de dévider son rouleau quand on voulut l'en empêcher. Il faisait de grands moulinets avec son épée qui lui fut bientôt arrachée par un garde-française. Une masse confuse de soldats et d'employés du théâtre l'entraînèrent de force au foyer.
    Le spectacle reprit aussitôt, afin de mettre un terme le plus vite possible au tumulte, mais il s'éleva un cri unanime du parterre acclamant l'auteur. Le bruit ne faisant qu'augmenter, les gardes-françaises revinrent en force et arrêtèrent plusieurs spectateurs avec force horions de part et d'autre et résistance du public dans un hourvari indescriptible.
    Nicolas se précipita à la suite du commissaire Chorrey qui, empourpré d'émotion, soufflait comme une forge. Ils débouchèrent dans le foyer pour découvrir le phénomène, monté sur une chaise, qui lisait sa pièce à des gardes ricaneurs. Le guet arrivant, Chorrey indiqua à l'exempt d'avoir à conduire le coupable à Charenton, chez les fous, pour plus ample information. Cette suite d'événements agit comme un divertissement sur l'âme ulcérée de Nicolas ; elle chassa la colère et la rancune. Il ne jugea plus sa présence nécessaire, ne tenant pas à écouter plus longtemps Mlle Raucourt, dont certains effets de ton peu naturels lui apparaissaient devoir gâter ce que son apparence et l'élégance de son jeu possédaient de séduisant. De fait, par instants, le rauque et le râpeux et, par conséquent l'excessif, perçaient et détruisaient la musique des vers. Il prit congé de Chorrey qui lui fit promettre de venir, dès que possible, lui demander à souper dans sa petite maison, rue Maquignonne, près du pavillon de la police du marché aux chevaux. Nicolas se rappelait avoir assisté, encore en apprentissage de son métier, une douzaine d'années auparavant, à l'inauguration, par M. de Sartine, de cette élégante bâtisse. Il lui revint aussi que Chorrey disposait d'une fortune assise ayant naguère hérité de son père, négociant en chevaux.

    Le froid humide de la nuit ranima son angoisse. Nicolas retrouvait avec effroi la vieille antienne de sa jeunesse, cette incapacité à tenir en main une imagination qui, abandonnée à elle-même, battait la campagne et s'engageait avec une obstination perverse dans toutes les voies qui se présentaient. Alors, sa manie le torturait jusqu'au moment où tous les détours de cette recherche avaient été parcourus. Cette démangeaison de l'esprit qu'il tentait de chasser sans y parvenir, il se la reprochait. Le moindre déséquilibre, ou contrariété, la voyait revenir au grand galop. Que ne s'employait-il à emprunter des voies moyennes, où le drame n'est réduit qu'à sa simple expression et le bonheur, cet instant fugitif, reçu avec simplicité. M. de Noblecourt, ce parfait honnête homme, lui avait promis la guérison : la sagesse viendrait avec l'âge et l'émoussement des passions.
    Nicolas réexamina avec une froideur affectée la situation d'aujourd'hui. Quoi, faire un drame d'un caprice de femme ! Et d'une femme seule, pourvue d'un amant que ses tâches retenaient la plupart du temps loin d'elle, coquette comme ses semblables, sensible aux hommages de jeunes gens oisifs et peut-être incitée à faire naître chez lui la jalousie qui seule lui permettait de mesurer la force de son attachement. Et lui, en seigneur et maître, tempêtant à la première provocation et poussant au drame ce qui n'aurait dû être qu'une petite querelle propre à revigorer un attachement sincère. Il décida de faire à Julie la surprise d'un retour inopiné, et bientôt le désir de la retrouver l'embrasa tout entier. Il arrêta un fiacre rue Saint-Honoré, qui l'entraîna dans un Paris vide et figé par le froid jusqu'à la rue de Verneuil. Il régla la course si généreusement que le cocher étonné lui donna du Monseigneur .
    Il leva les yeux. Les fenêtres du logis de Mme de Lastérieux étaient toujours éclairées, et il y voyait danser des ombres. Son ardeur se refroidit ; il avait imaginé une maison déserte et éteinte et son amante accablée, mais il voulut encore espérer. Arrivé au premier, il ouvrit la porte avec sa clef. Un vacarme de rires et de tintements de cristaux l'accueillit. La déception lui serra le cœur, comme une
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