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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch
Autoren: Jean-François Parot
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gémissons d'envie n'ayant, pour nous contenter, que la lourdeur des produits quintessenciés ?
    — Je m'alourdirais volontiers de cette quintessence-là !
    Contrit, M. de Noblecourt chatouillait du bout de sa fourchette les trésors cachés de la forteresse gourmande. Il bougonnait.
    — Voilà qui est bien cruel, grommela-t-il, et qui me rappelle certain vieux conte parisien où le rôtisseur est payé du tintement des espèces sonnantes par celui qui avait respiré les effluves de ses viandes et à qui il réclamait son dû. Eh bien, je vais me résoudre à ce sacrifice, mais je réclame la grâce de goûter un morceau infime de ce trésor-là. Un petit bout de truffe, par exemple. Après tout, ce n'est qu'un champignon.
    — Que non, reprit Semacgus, même un petit bout de truffe est échauffant ! Je vous conseille un bout de pâte, et c'est encore trop.
    — Maudit soit l'âge qui nous prive de tout, soit que l'ardeur manque, soit que le corps défaille. Faut-il ainsi renoncer à toutes ces délicieusetés auprès desquelles les recettes de nos voisins ne sont que gueuseries que l'on souffrirait plus volontiers parmi les Mangageats 6 que dans un climat épuré comme le nôtre où la propreté, la délicatesse et le bon goût font l'objet et la matière, hélas, de nos plus solides empressements.
    — Philosophe, autant que tu voudras, monsieur le procureur, nous ne nous laisserons pas attendrir, murmura Semacgus.
    M. de Noblecourt savoura lentement le butin conquis de haute lutte, tandis que Catherine découpait l'ensemble de la forteresse fumante en quatre morceaux.
    — Et le pourquoi de ces quatre parts ? fit-il, étonné. Oublierais-tu que je suis condamné à n'en point déguster ?
    — Eh quoi ! dit Marion sur le même ton. Voilà bien le marguillier de Saint-Eustache qui oublie la part du pauvre ! Beau dévot en vérité que celui-là ! Et si je veux, moi, en garder une portion pour Nicolas ? Sur un coin du potager, l'assiette à demi fermée demeurera à bonne chaleur sans trop de dessèchement. Cela le sustentera de ses courses incessantes.
    — C'est trop pour un ingrat qui déserte si souvent nos agapes, protesta Semacgus.
    M. de Noblecourt lui lança un regard sévère.
    — N'avez-vous point été jeune ? Et nous, tant que nous sommes, avons-nous tenté tout ce que nous devions pour le mieux comprendre et le soutenir dans une situation que je suppose douloureuse ?
    Pour faire diversion, Marion prit la parole en rougissant.
    — Si monsieur le procureur l'ordonne, j'avouerai tout de ma recette.
    — Faites, faites. Le récit est souvent aussi succulent que la dégustation.
    La vieille cuisinière jeta un regard de biais sur M. de La Borde.
    — Il faut dire tout d'abord que je tiens cette recette de monsieur là.
    Les cris des convives couvrirent sa voix et le premier valet de chambre du roi se dissimula la face dans sa serviette pour cacher une feinte confusion. Il prit un ton de voix lamentable.
    — Je me mets seulement sur le pied de divertir la vie austère de notre hôte. Et d'ailleurs, cette recette n'est point mienne. Son auteur est son Altesse Royale Louis-Auguste de Bourbon, prince des Dombes, et gouverneur du Languedoc.
    — Fichtre, dit Bourdeau goguenard. Un petit-fils du grand Bourbon, un homme à mettre sa noblesse à Malte et à tous les chapitres !
    — Voilà qui me promet un beau divertissement ! reprit le vieux magistrat. Après le fumet, le récit des hauts faits de ma cuisinière qui préludera au festin de mes hôtes, et en tout et pour tout, un misérable bout de pâte !
    Marion, souriante, les laissait plaisanter ; elle profita d'un court silence pour reprendre la parole, pressée de jouer un rôle dans cette réjouissance.
    — Il me faut une pâte brisée, commença-t-elle, bien fine, et que je laisse reposer au frais. Je prépare une farce de foie gras avec force lard râpé, persil, ciboule, champignons et des truffes hachées. Il vaut mieux la manier de bonne heure, elle sera ainsi plus rassise et de meilleur goût. Je fais ouvrir quelques bonnes douzaines d'huîtres vertes de Cancale autant qu'il m'en faut. Je les fais blanchir dans leur eau et je me les égoutte sur un tamis pour en garder le liquide. Alors, je mets la farce au fond du moule, une couche d'huîtres par dessus, et ainsi de suite. Je couvre l'ensemble d'une abaisse que je dore aux jaunes d'œufs. Le four étant bien chaud, j'enfourne et les laisse cuire autant qu'il se
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