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La lance de Saint Georges

La lance de Saint Georges

Titel: La lance de Saint Georges
Autoren: Bernard Cornwell
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de fumée. Il passa devant la taverne qui brûlait comme un enfer et continua
jusqu’au rivage où les quatre navires étaient poussés vers l’eau profonde au
moyen de longues rames pour prendre la mer. Ils remorquaient les trois
meilleurs bateaux de Hookton, les autres étant livrés aux flammes. Le village
aussi brûlait. Le chaume tournoyait dans l’air en produisant des étincelles, de
la fumée et des particules enflammées. Depuis la plage, Thomas tira,
inutilement, une dernière flèche, qu’il vit tomber dans la mer tout près des
assaillants en fuite, puis il fit demi-tour et retourna vers le village
ensanglanté, empuanti, calciné, pour se rendre à l’église qui était le seul
bâtiment que les soldats n’avaient pas incendié. Ses quatre compagnons de
vigile avaient été tués mais le père Ralph vivait encore. Il était assis, le
dos appuyé contre l’autel. Le bas de sa chemise était tout taché de sang et son
long visage avait une pâleur anormale.
    Thomas s’agenouilla auprès du prêtre :
    — Père ?
    Le père Ralph ouvrit les yeux et aperçut l’arc. Il fit une
grimace mais Thomas n’aurait pu dire si c’était l’effet de la douleur ou de la
désapprobation.
    — En as-tu tué, Thomas ? demanda-t-il.
    — Oui, plusieurs.
    Le père Ralph fit une nouvelle grimace accompagnée de
frissons. Thomas savait que le prêtre était l’un des hommes les plus forts
qu’il ait connu. Il avait la dureté de l’if. Pourtant, à présent, il se mourait
et un gémissement se mêlait à sa voix :
    — Tu ne veux pas devenir prêtre, n’est-ce pas,
Thomas ?
    Il posait la question dans sa langue maternelle, le
français.
    — Non, répondit Thomas dans la même langue.
    — Tu vas devenir soldat, comme ton grand-père…
    Il s’interrompit dans un gémissement. Un accès de douleur
lui tordait le ventre. Thomas aurait voulu l’aider, mais en vérité il n’y avait
rien à faire. Harlequin lui avait enfoncé son épée dans le ventre et maintenant
Dieu seul pouvait lui venir en aide.
    — Je me suis opposé à mon père, dit le mourant, et il
m’a renié. Il m’a déshérité et, depuis ce jour, j’ai refusé de le voir. Mais
toi, Thomas, tu lui ressembles. Tu lui ressembles beaucoup. Et tu t’es toujours
opposé à moi.
    — Oui, père, dit Thomas en prenant la main du prêtre,
qui ne résista pas.
    — J’ai aimé ta mère, dit le père Ralph. Ce fut mon
péché et tu es le fruit de ce péché. Je pensais que, si tu devenais prêtre, tu
t’élèverais au-dessus du péché. Il nous submerge, Thomas, il nous submerge. Il
est partout. J’ai vu le diable, Thomas, de mes propres yeux. Nous devons le
combattre. Seule l’Église peut le faire. Seule l’Église.
    Des larmes se mirent à couler sur ses joues creuses mal
rasées. Il regarda au-delà de Thomas vers le toit de la nef.
    — Ils ont volé la lance, dit-il tristement.
    — Oui, je le sais.
    — Mon grand-père l’avait rapportée de Terre sainte, dit
le père Ralph, et je l’ai volée à mon père. Aujourd’hui, c’est le fils de mon
frère qui nous la vole.
    Il ajouta à voix basse :
    — Il en fera mauvais usage. Rapporte-la chez nous,
Thomas, rapporte-la.
    — Je le ferai, promit Thomas.
    La fumée commençait à s’épaissir dans l’église. Les assaillants
n’y avaient pas mis le feu mais les brins de chaume enflammés qui volaient dans
le village avaient propagé l’incendie.
    — Vous dites que c’est le fils de votre frère qui l’a
volée ?
    — Ton cousin, celui qui était habillé en noir, murmura
le père Ralph, les yeux clos.
    — Qui est-il ?
    — Le mal, répondit le père Ralph, le mal.
    Il se mit à geindre et à remuer la tête.
    — Qui est-il ? insista Thomas.
    —  Calix meus inebrians, dit le père Ralph d’une
voix qui était à peine plus qu’un murmure.
    Thomas savait que c’était un vers tiré d’un psaume, qui
signifiait : « Ma coupe me rend ivre. » Il comprit que l’esprit
de son père était en train de sombrer, que son âme était flottante à l’approche
de la fin.
    — Dites-moi qui était votre père ! exigea Thomas.
    « Dites-moi qui je suis », aurait-il voulu dire.
    — Dites-moi qui vous êtes, père !
    Mais les yeux du père Ralph étaient clos, bien qu’il
étreignît encore fermement la main de Thomas.
    — Père ! appela Thomas.
    La fumée s’épaississait dans l’église et s’échappait par la
fenêtre que Thomas avait brisée
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