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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane
Autoren: Jean Markale
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dames et des
chevaliers en armes, ou en pourpoint de soie brochée, menaient tout autour une
ronde étrange, au son d’une musique divine jouée par des musiciens invisibles.
    Émerveillé par ce spectacle, Lancelot arrêta sa monture sur
une petite éminence qui dominait la clairière. Visiblement, les danseurs
prenaient beaucoup de plaisir à leur jeu, car les rondes ne s’interrompaient
pas et ne semblaient susciter chez eux la moindre fatigue. Lancelot remarqua
alors qu’il y avait davantage d’hommes que de femmes, et parmi celles-ci, beaucoup
qui paraissaient très jeunes et très enjouées. « Par Dieu tout-puissant !
se dit-il, voici spectacle bien surprenant ! Danser de si bonne heure et
ne pas s’arrêter un instant est tout à fait inhabituel ! Comme ces gens
paraissent heureux ! Que le diable m’emporte si je devine pourquoi ils
font la fête ! »
    Piquant des deux, Lancelot fit bondir son cheval dans leur direction,
et dès qu’il fut près d’eux, il ressentit une joie intense, tout heureux de se
trouver parmi eux, ne pensant plus qu’à participer lui-même à la joie
collective. D’un seul coup, ses mois de prison chez Morgane s’effaçaient de ses
pensées, son amour pour Guenièvre s’estompait même dans sa mémoire. Et pourtant,
le refrain de la chanson que scandaient les danseurs y faisait nettement allusion :
« Vraiment, vraiment, nous avons la plus belle reine de toutes les reines,
la plus belle reine du monde ! » Alors, Lancelot mit pied à terre. Il
attacha son cheval au tronc d’un arbre, s’avança vers les danseurs après avoir
jeté sa lance et son bouclier, et entra dans la ronde en saisissant la main de
la première fille qui passait à sa portée. Comme les autres, il se mit à chanter
et à battre du pied. Comme les autres, il devint déluré et joyeux, prêt à continuer
sans fin cette ronde enchantée, clamant à tue-tête avec ses compagnons :
« Oui, vraiment, vraiment, nous avons la plus belle de toutes les reines
du monde ! »
    Quelqu’un d’autre cependant observait la scène sur la petite
butte qui dominait la clairière. C’était Morgane, toute droite sur son cheval
blanc, immobile telle une statue de pierre. Elle, au moins, ne se posait pas de
questions sur ce qu’elle voyait. Abandonnant soudain son attitude pétrifiée, elle
éclata d’un grand rire, puis fit faire demi-tour à sa monture. Comme elle se
disposait à repartir, elle aperçut un vieillard qui venait à pied dans la
clairière. Intriguée, elle retint son cheval et, de ses yeux perçants, scruta
la silhouette de l’inconnu. Revêtu d’un grand manteau blanc et noir, sa
chevelure toute blanche et abondante flottant sur les épaules, il marchait
lentement, s’appuyant sur un long bâton fourchu. Il avait maintenant atteint
les danseurs et passait au milieu d’eux, apparemment indifférent à ce qui se
passait. Il alla directement vers Lancelot et le saisit par un pan de son
haubert. « Seigneur, dit-il, il est grand temps de quitter cette danse et
de t’en aller ! » Lancelot se retourna, l’air furieux : « De
quoi te mêles-tu, vieil homme ! s’écria-t-il. Que tu aies passé l’âge de
danser ne t’autorise pas pour autant à importuner ceux qui peuvent en jouir !
Laisse-moi en paix et va dormir dans la forêt ! »
    Le vieillard n’insista pas. Il reprit sa marche hésitante à
travers le cercle des danseurs, traversa de nouveau la clairière et se perdit
dans les profondeurs des bois.
    Intriguée, Morgane sauta à terre. Elle prit son cheval par
la bride, l’emmena à l’écart pour l’attacher au tronc d’un bouleau et, à demi
masquée par les branches, continua d’observer la scène. Lancelot s’ébattait
toujours et tapait du pied. Un léger sourire aux lèvres, elle se dit alors qu’il
était plutôt piquant de voir le redoutable Lancelot du Lac se conduire comme un
petit garçon échappé pour la première fois des jupes de sa mère !
    Mais comme le temps passait et que le soleil commençait à
décliner, le persiflage de Morgane se changea peu à peu en agacement, puis en
inquiétude, jusqu’au moment où, voyant soudain ce qu’elle redoutait, elle se
mit à frémir : le vieillard, traversant la clairière, revenait de son même
pas tranquille. Il s’avança vers Lancelot et, de son bâton, le frappa sur l’épaule.
Exaspéré, Lancelot se retourna : « Encore toi, vieil homme ! Ne
t’ai-je pas dit de me laisser en paix ? » Et
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