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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane
Autoren: Jean Markale
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avait faites, et qu’elle déchiffrait sans peine, elle sombrait dans la
mélancolie. Tant que Lancelot aimerait la reine Guenièvre, il ne la regarderait
pas, et son pouvoir magique demeurerait sans effet. Tout au plus aurait-elle pu
prendre, elle aussi, l’aspect de Guenièvre, et passer une nuit avec Lancelot. Mais
Morgane savait très bien que l’effet de ses charmes ne durait pas. D’ailleurs, si
elle désirait Lancelot, elle voulait également que Lancelot la désirât, elle, et
non pas une autre femme dont elle prendrait l’apparence.
    Chaque nuit, Morgane revenait donc contempler Lancelot
endormi et découvrir les nouvelles peintures qu’il avait faites dans la journée.
« Ma foi, dit-elle un soir à la jeune fille qui l’accompagnait, ce
chevalier est une merveille ! Il est non seulement habile en l’art de
chevalerie, mais dans tous les domaines. Vraiment, on voit que l’amour peut
faire d’un homme rude un être intelligent et ingénieux. Je suis sûre que
Lancelot n’aurait jamais exécuté de si belles peintures si la détresse
amoureuse ne l’y avait poussé. Avec de tels dons, il est vraiment celui qu’on
peut aimer sans honte. » Et, en lui montrant les différentes scènes, elle
lui en expliquait la signification. « Je connais toute sa vie, dit-elle, mais
d’autres ne la connaissent pas et s’imaginent qu’il est vertueux. Ces images
sont le reflet de son âme et de toutes ses actions. Certes, je me garderai bien
de relâcher Lancelot avant qu’il n’ait couvert ces murs de peintures. Je sais
qu’il y représentera toute sa relation avec la reine Guenièvre, jusqu’au
moindre détail, j’en suis convaincue. Alors, j’aurai un moyen de pression sur
lui, car je pourrai, si je le veux, faire venir ici mon frère et lui montrer
ces peintures. Ainsi, Arthur sera-t-il édifié sur la conduite de sa fidèle et
tendre épouse ! » Et Morgane se mit à rire. « Voilà un plan qui
risque fort de réussir », conclut la jeune fille. Elles sortirent alors et
refermèrent soigneusement la porte.
    Il en fut ainsi jusqu’au printemps. Pâques était déjà passé
quand Lancelot vit refleurir le jardin qu’il apercevait de sa chambre forte. Les
arbres étaient en feuilles et déjà chargés de fleurs odorantes ; les roses
s’épanouissaient chaque jour devant sa fenêtre. Morgane, en effet, avait fait
planter un beau verger afin qu’il soit bien aise de contempler ce spectacle. L’hiver
lui avait pesé, mais il aurait été encore plus pénible pour lui sans les
peintures et les portraits dont il avait recouvert les murs de sa chambre. Il n’avait
rien oublié, il avait tout représenté de façon saisissante. Et chaque matin, à
son lever, il venait à chacune des images de la reine, les baisait tendrement
sur les yeux et sur la bouche, comme si elle eût été présente charnellement. Mais
le moment d’extase passé, il pleurait et se désolait à fendre l’âme. Et, après
s’être ainsi lamenté, il revenait aux images qui lui tenaient le plus à cœur, les
baisait, leur rendait les plus grands honneurs, puis reprenait courage pour une
partie de la journée : voilà le seul remède qui convenait à sa solitude et
à sa longue captivité.
    Ainsi, en ce début de mai, quand il vit les arbres couverts
de feuilles et de fleurs, la verdure qui lui réjouissait le cœur, et la rose
chaque jour épanouie, le souvenir de Guenièvre se fit encore plus précis. La
rose, n’était-ce pas le visage de celle qu’il aimait de toutes ses forces ?
Laquelle préférait-il des deux ? Qui, de la rose ou de Guenièvre, avait le
plus d’éclat ? Et le jeu subtil des comparaisons sans cesse remises en
cause le transportait dans un état de ravissement tel qu’il en oubliait l’existence
du monde extérieur.
    Un dimanche matin, Lancelot se leva dès qu’il entendit chanter
les oiseaux. Il s’approcha de la fenêtre aux barreaux de fer, s’accouda pour
admirer l’herbe tendre et resta là, immobile, jusqu’à ce que le soleil se fût
répandu à travers le jardin. Il contempla le rosier et vit une rose
nouvellement éclose, encore plus belle que toutes les autres. « C’est
ainsi, pensa-t-il, qu’un jour j’ai vu Guenièvre pour la première fois, plus
belle que toutes les autres femmes, lorsque je suis arrivé à la cour d’Arthur. Aussi,
puisque je ne peux hélas avoir Guenièvre dans mes bras, il me faut cette rose ! »
    Il passa sa main à travers les barreaux de la
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