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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane
Autoren: Jean Markale
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il se remit à danser de
plus belle, criant à gorge déployée : « Vraiment, vraiment, nous avons
la plus belle reine de toutes les reines du monde ! »
    C’est alors qu’une jeune fille s’approcha de Lancelot et lui
dit : « Seigneur, c’est bientôt l’heure du souper. S’il te plaît, prends
place sur ce trône, et nous poserons la couronne sur ta tête ! » Lancelot
répliqua vertement qu’il n’avait nulle envie de s’asseoir sur le trône, pas
davantage qu’on le couronnât. D’ailleurs, il n’avait pas faim et ne souhaitait
que s’amuser et rire. Et déjà il avait regagné la ronde et hurlait le refrain.
    La poigne du vieillard s’abattit d’un seul coup sur l’épaule
de Lancelot qui, guidé par une force irrésistible, se retrouva devant le trône
et s’y assit malgré lui. La jeune fille en profita pour poser la couronne sur
sa tête et déclara : « Cher seigneur, tu peux dire maintenant que tu
portes la couronne de ton père sur la tête ! » Elle n’avait pas plus
tôt fini sa phrase que, du haut de la tour qui surplombait la clairière, une
statue représentant un roi sur un cheval tomba et s’écrasa sur le sol si
brutalement qu’elle éclata en mille morceaux. Morgane poussa un cri de rage, et
instantanément dans la clairière toutes les danses et les musiques s’arrêtèrent.
Quant aux danseurs, ils se précipitèrent vers Lancelot et se prosternèrent à
ses pieds : « Seigneur, s’écrièrent-ils ensemble, sois béni entre
tous sur cette terre, car tu viens de nous libérer du sortilège qui nous
accablait ! » Alors Lancelot se leva, ne comprenant pas bien ce qui s’était
passé. Puis, sentant la couronne d’or sur sa tête, il la saisit et la jeta violemment
sur le sol. « Mais je ne suis pas roi ! protesta-t-il, et n’ai par
conséquent aucun droit sur cette couronne ! – Certes, intervint le
vieillard qui l’avait obligé à s’asseoir sur le trône, tu n’es pas roi, Lancelot,
mais ton père l’était. » Et sans en dire davantage, le vieillard s’éloigna,
abandonnant hommes et femmes qui se pressaient autour du meilleur chevalier du
monde, pour se diriger vers le tertre.
    Morgane, comme il passait à côté d’elle, l’interpella à
mi-voix : « Pourquoi ? demanda-t-elle, pourquoi es-tu intervenu ?
Ces gens se croyaient tous heureux dans leur folie. Quel besoin avais-tu de te
mêler de leurs affaires ? » Le vieillard s’arrêta, regarda Morgane et
répondit d’un air absent : « Peut-être, peut-être… Mais les hommes
sont parfois incapables de retrouver leur chemin. Il est alors nécessaire de
leur indiquer leur voie au carrefour de leur destin. – Qui es-tu donc, vieillard ?
demanda encore Morgane. D’où viens-tu et où vas-tu ? – Un vieillard de mon
âge n’a plus de nom. Il vient de partout et ne s’en va nulle part. » Et, martelant
le sol de son bâton fourchu, il se remit à cheminer.
    Morgane, à pas lents, rejoignit son cheval, le détacha et monta
sur son dos. Une infinie tristesse l’envahissait et l’angoisse lui étreignait
le cœur. Lancelot était perdu pour elle, perdu à jamais. Jamais plus il ne
retomberait dans ses pièges. En fait, elle le savait, c’est elle qui l’avait
conduit au carrefour de son destin, c’est elle qui lui avait permis de choisir
sa route là où il croyait devoir s’engager. Quelle étrange destinée était la
sienne, si ambiguë, si paradoxale… Les larmes aux yeux, Morgane regarda le
vieillard qui disparaissait lentement dans l’ombre de la forêt. Alors elle
frissonna, et murmura tout bas : « Merlin… Ah ! Merlin [52]  !… »
    ----
    [1] C’est le cas dans le film de John Boormann, Excalibur ,
où cette confusion, parfaitement valable sur le plan dramatique, fausse
complètement la valeur symbolique de ces deux personnages féminins essentiels
du mythe.
    [2] Ce qui rappelle la légende du Val sans Retour, localisé dans la forêt
de Paimpont-Brocéliande. Au fond de ce val, « enchanté » par Morgane,
se trouve un étang que la tradition nomme le Miroir aux Fées et sur les eaux duquel
les fées viennent contempler leur visage chaque matin, au milieu de la brume.
    [3] H. Dontenville, Mythologie française ,
Paris, Payot, 1 973, p. 144.
    [4] Voir sur ce sujet J. Markale, l’Épopée
celtique d’Irlande , édition complétée, Paris, Payot, 1 993, pp.
92-94 et 116-126.
    [5] « Jules César m’a fort doucement élevé, et la fée Morgue,
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