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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane
Autoren: Jean Markale
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INTRODUCTION
    L’ombre de Merlin
     
     
    Ce matin la fille de la montagne tient
    sur ses genoux un accordéon
    de souris blanches.
     
    André BRETON
    (Fata Morgana)
     
    Quand, en décembre 1940, réfugié à Marseille dans une zone
dite libre, André Breton écrivait un long poème d’amour auquel il donnait le
titre latin de Fata Morgana , il savait
inconsciemment très bien ce qu’il faisait. Car, sous les orages des débuts de
la Seconde Guerre mondiale, à quoi, ou qui, pouvait-on se raccrocher pour
éviter de tomber dans le vide absolu, sinon à une figure mythique et symbolique
surgie du plus profond de l’imaginaire humain ? Et la Fata Morgana , autrement dit la Fée Morgane, cristallisation
de l’éternelle femme magicienne et enchanteresse, était sans doute la seule à pouvoir
encore conjurer les mauvais sorts qui s’abattaient sur l’Europe et sur un monde
toujours endormi dans l’hébétude.
    Il faut bien avouer que la Fée Morgane exerce une
fascination particulière ; et c’est peut-être parce que c’est le
personnage le plus mystérieux, le plus énigmatique de toute la tradition arthurienne.
D’abord, Morgane est très mal connue, sans doute parce qu’elle semble trop « sulfureuse »
et qu’elle a été souvent occultée dans les récits christianisés du Moyen Âge. Ensuite,
on la confond sans raison avec la fée Viviane, la Dame du Lac [1] ,
et on en fait la mère de Mordret, destructeur de la société arthurienne, ce qui
n’apparaît pourtant dans aucun texte. Tout vient de la confusion entretenue
entre le nom de Morgause ( Margawse dans la compilation
anglaise tardive de Thomas Malory), qui est, dans certains textes, la femme du
roi Loth d’Orcanie, c’est-à-dire Anna, une autre sœur d’Arthur, et le nom de Morgane,
ou Morgue, qui ne figure, au départ, que dans les textes continentaux. La fée
Morgane est en effet totalement absente des récits primitifs gallois concernant
le mythe arthurien et le cycle du Graal. Ce n’est que dans la version galloise
de l’ Érec et Énide de Chrétien de Troyes qu’on
pourrait la retrouver : encore faut-il préciser qu’il ne s’agit pas d’une
femme, mais d’un homme, Morgan Tut, chef des médecins d’Arthur, et bien entendu
dépositaire de toute la magie héritée des druides. Qui est donc en réalité
cette Morgane que les textes français chargent volontiers de tous les péchés du
monde ?
    Si l’on s’en tient à une étymologie celtique plus qu’évidente,
le nom de Morgane provient d’un ancien brittonique Morigena ,
c’est-à-dire « née de la mer », dont l’équivalent en gaélique d’Irlande
est Muirgen . Mais une telle interprétation
ferait de Morgane une véritable fée des eaux, ce qui ne semble pas le cas. Pourtant,
dans la tradition populaire de Bretagne armoricaine, on raconte souvent des
histoires au sujet de mystérieuses marymorgans qui sont des êtres féeriques vivant dans les eaux de la mer. Et si l’on va plus
loin, on découvre dans la toponymie française un certain nombre de rivières ou
de fontaines qui portent des noms comme Mourgue, Morgue ou Morgon. Mais il s’agit
d’eau douce, et non de la mer. Et cela ne correspond nullement au personnage
décrit dans les romans arthuriens, femme-fée, vaguement « sorcière »
au sens vulgaire du terme, et quelque peu nymphomane, ce qui n’est pas
contradictoire mais contribue à la faire présenter comme un être maléfique.
    Fait étrange, on ne la trouve jamais auprès du personnage
primitif d’Arthur, sauf sous l’aspect masculin de Morgan Tut. Certes, on
pourrait dire qu’il y a eu féminisation du sorcier, le médecin, appartenant
autrefois à la classe des druides, étant considéré comme expert en magies
diverses. Mais le cas se complique lorsque l’on constate, dans la tradition
continentale, la présence d’un grand géant qui porte le nom de Morgant ; cependant,
il n’a rien voir avec Gargantua bien que Rabelais, bon connaisseur des légendes
populaires, en ait fait l’un des ancêtres de Pantagruel, dans la plaisante
généalogie dressée de celui-ci en son Second Livre .
On trouve un récit très littéraire sur ce géant Morgant dans un ouvrage italien
de 1 466, dû au Florentin Luigi Pulci, ouvrage qui fut bientôt traduit et
imprimé en français et connut un immense succès au cours du XVI e siècle. Il s’agit de l’histoire de « Morgant
le géant, lequel, avec ses frères, persécutait toujours les
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