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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane
Autoren: Jean Markale
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seul.
Il dormit toute la nuit. Le matin, quand il se réveilla, il fut très perplexe
de se retrouver en un tel lieu, sûr qu’il était de ne s’y être pas couché la
veille au soir. « Comment suis-je venu ? » se demanda-t-il. De
plus, il se sentait malade et mal en point. Il lui semblait que la maison
tournait autour de lui et il ne savait que faire. Il se doutait bien qu’il ne
pourrait pas chevaucher dans cet état mais, ne voyant personne venir, il
commença à s’inquiéter. Se levant avec difficulté, il alla vers la porte en
titubant, mais elle était fermée. Il revint s’allonger sur le lit et resta
ainsi, sans force, jusque vers l’heure de midi.
    C’est alors que Morgane vint regarder à travers l’une des fenêtres
de fer pour savoir s’il dormait. Quand elle le vit malade, elle dit à la jeune
fille qui était avec elle : « Ma boisson a fait son effet, et je ne
pense pas que Lancelot ait jamais la force de se lever. Va donc le trouver, demande-lui
comment il va, mais garde-toi bien de lui dire qu’il est en prison : s’il
le savait, je pense qu’il en mourrait de douleur. »
    Elle rentra dans le logis et vint à la chambre forte dont
elle ouvrit la porte. Elle le trouva très pâle et épuisé, et lui demanda
comment il allait. « Très mal, dit-il. Je serais incapable de me tenir à
cheval. – Tu peux donc rester au lit, lui dit-elle, car dans l’état où tu es, tu
ne pourras pas partir aujourd’hui. – Tu as raison. Même si je le voulais
absolument, je n’aurais pas la force de chevaucher. »
    Lancelot demeura ainsi un mois entier avant de savoir qu’il
était en prison. Quand Morgane apprit qu’il était guéri, elle dit à la jeune
fille de le renseigner sur son sort. Celle-ci entra donc dans la chambre forte,
et Lancelot lui demanda quand elle comptait l’emmener où elle avait dit qu’il y
avait une aventure.
    « Il n’est pas possible de sortir, avoua la jeune fille
en rougissant. Il te faudra rester dans cette prison. » Lancelot se mit en
colère : « Comment cela ? Que signifie cette diablerie ? Jeune
fille, pourquoi m’as-tu ainsi trahi alors que je te faisais confiance ? – J’y
ai été contrainte, balbutia-t-elle. – Et par qui donc, je te prie ? – Par
ma dame. – Et qui est ta dame ? – Morgane, sœur du roi Arthur. »
Lancelot se mit à rire, mais son rire était rempli d’amertume. « Encore elle !
s’écria-t-il. Il est vrai que j’aurais dû m’en douter ! Et pour quelle
raison ta maîtresse me retient-elle dans cette prison ? – Ce n’est pas à
moi qu’il faut le demander ! » répondit la jeune fille. Et quelque
peu confuse, elle se fit ouvrir la porte depuis l’extérieur, et quitta Lancelot.
    Il resta enfermé de septembre à Noël. Après Noël, quand le
froid fut passé, un jour, Lancelot alla s’accouder à l’une des fenêtres de fer,
d’où l’on avait vue sur le palais. Ouvrant le vitrail, il vit un homme qui peignait
une histoire des anciens temps, avec une inscription sous chaque image. Il
comprit que c’était l’histoire d’Énée et sa fuite de Troie. Il songea alors que
si sa chambre était peinte de ses propres actions, il aurait grand plaisir à
admirer les comportements de Guenièvre, et ce serait un grand allégement à ses
maux.
    Il demanda au vieillard qui peignait de lui donner
quelques-unes de ses couleurs pour faire un tableau dans sa chambre ; et l’autre,
n’y voyant aucun mal, accepta volontiers et lui fournit les instruments
indispensables. Lancelot prit le tout et referma le vitrail, pour qu’on ne le
vît point. Il peignit d’abord la scène où la Dame du Lac l’envoya à la cour d’Arthur,
celle où il y arriva et où il fut ébloui par la beauté de Guenièvre, et celle
où il alla porter secours à la Dame de Nohant. Il occupa ainsi toutes ses
journées à ce travail : les peintures étaient si parfaites et si bien
dessinées qu’on eût dit qu’il n’avait fait que cela durant toute sa vie.
    Mais, tous les soirs, vers minuit, Morgane venait le voir
quand il était endormi. Elle l’aimait d’un violent amour, plus qu’aucune femme
ne peut aimer un homme. Elle souffrait de ses refus et elle le retenait
prisonnier non par haine, mais s’accrochant à la pensée qu’un jour il vaincrait
ses répugnances et la prendrait pour amie. Lancelot était le seul homme qu’elle
eût jamais aimé d’un amour profond et absolu. Mais, à voir les peintures que
Lancelot
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