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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane
Autoren: Jean Markale
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chrétiens et
serviteurs de Dieu » ; mais ils furent, après de multiples péripéties,
tués par le comte Roland, neveu de Charlemagne. Et si l’on en croit ce récit, Morgant
habitait une grande montagne qui ne peut être que les Alpes, et l’action se
prolonge dans le sud de l’Italie, dans les Pouilles très exactement, où se
situe le fameux Monte Gargano qui porte le nom
de Gargantua. Il faut évidemment prendre avec précaution ces récits de la
Renaissance prétendument inspirés de la tradition populaire : la tendance
de l’époque est à la « fabrication » de mythes lorsque ceux-ci
justifient l’invraisemblance du déroulement romanesque. Mais il n’y a pas de
hasard. En Bretagne armoricaine, un géant nommé « Ohès le Vieil Barbé »,
dans la chanson de geste qui porte le titre de Chanson
d’Aiquin , est devenu, dans la tradition orale, un personnage féminin, Ahès,
très vite confondue avec Dahud (= bonne sorcière), fille du roi Gradlon de la
célèbre ville d’Is. Et actuellement encore, les antiques voies romaines de Bretagne
armoricaine sont connues sous l’appellation de « Chemins d’Ahès ».
    Quoi qu’il en soit de ce problème, Rabelais n’a jamais confondu
le géant Morgant avec notre fée Morgane. Dans le même Second Livre , on peut en effet lire : « Pantagruel
ouït nouvelles que son père Gargantua avait été translaté au pays des Fées par
Morgue, comme le furent jadis Ogier et Arthur. » Il ne fait d’ailleurs que
reprendre un thème cher aux auteurs de son siècle, puisque, la même année 1 532,
un anonyme avait publié des «  Grandes Chroniques  »
où l’on voyait naître Gargantua de Grandgousier et Gargamelle, ceux-ci étant
créés par la magie de Merlin, puis Gargantua se mettre au service du roi Arthur :
« Ainsi vécut Gargantua, en la cour du très redouté et puissant roi Arthur,
l’espace de trois cents ans, quatre mois, cinq jours et demi, justement, puis
porté par Morgain la fée et Mélusine en féerie, avec plusieurs autres, lesquels
y sont encore à présent. » Cela montre l’importance des romans de
chevalerie, des récits féeriques et du cycle arthurien au début de la
Renaissance, en France. Quant à la différence entre les formes Morgue et Morgain,
elle s’explique parfaitement : en vieux français, Morgue est le cas sujet
(nominatif) et Morgain le cas régime (ancien accusatif latin) d’où est tirée la
forme moderne Morgane.
    Autre fait troublant à propos de cette héroïne féerique, et
qui n’est pourtant que le résultat d’une kabbale phonétique qui prête à rire :
le mariage morganatique. L’exemple type, au XVII e siècle, en a été l’union contractée par Louis XIV, devenu veuf, avec sa
maîtresse, Madame de Maintenon. Il s’agissait d’un mariage secret, uniquement
religieux, donc valable sur le plan spirituel, mais sans aucun effet sur ce qu’on
ne nommait pas encore le « droit civil ». En quoi donc le mariage dit
« morganatique » a-t-il un rapport, même très vague, avec la fée Morgane ?
    Henri Dontenville, grand spécialiste s’il en fut – et d’ailleurs
très controversé – des traditions populaires françaises, a écrit sur ce sujet
des réflexions qui ne sont pas à prendre à la légère. Dontenville part en effet
du conte bien connu de Charles Perrault, La Belle au
bois dormant , conte d’origine populaire et remis au goût du jour par la
grâce de cet écrivain considéré comme mineur par le tout-puissant maître des
usages qu’était Boileau. On connaît le thème de ce conte, incontestablement
initiatique : un jeune prince (le Prince Charmant ,
au sens fort – et étymologique – du terme) réveille une belle princesse endormie,
c’est-à-dire sous le coup d’un charme , ou, si
l’on préfère, d’un sortilège, et l’épouse secrètement. Et, de cette union, naissent
une fille, l’Aurore, et un fils, le Jour. Et voici le commentaire d’Henri
Dontenville : « Sous l’affadissement d’une prose XVII e siècle, on tient probablement là l’essentiel, et
la fée Aurore ne doit pas être autre que notre fée Morgane ou Morgue, celle qui
se mire déjà dans une fontaine, au point du jour [2] … lorsque le soleil va se
lever. Le mot serait alors l’équivalent de l’allemand morgen , « matin »… Ira-t-on d’un bond
rejoindre la Fata Morgana , de date inconnue, sur
la côte de Sicile où Morgantium, fondation ancienne des Sicules, pose son
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