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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure
Autoren: Virgil Gheorghiu
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Pas vrai, Suzanna ?
    Elle se serra contre lui de toute sa force. Comme si elle avait peur. Elle tremblait.
    – Si tu étais là je n’aurais pas peur, dit-elle. Mais si tu pars je serai morte de peur. Même si mon père ne me tue pas avec un fusil, tu ne me retrouveras pas en vie. Je mourrai de peur en ton absence. Chaque nuit je ferme la porte à clé et je tire le verrou. Lorsque j’entends les pas de mon père, je fourre ma tête sous l’oreiller. J’ai peur.
    Iohann Moritz lui passa la main sur les épaules. Il l’attira à lui. Il la prit dans ses bras. Ils ne se parlèrent plus. Elle se sentait heureuse près de lui. Il était heureux de ne plus la voir pleurer. Au chant du coq ils se levèrent. Suzanna mit sa robe qui était froide et toute mouillée de rosée. Moritz enfila sa chemise, prit Suzanna par la main et l’accompagna jusqu’à la haie. Puis il la regarda se glisser par l’ouverture. Après avoir pénétré dans l’ouverture, Su zanna poussa un cri bref. Iohann Moritz se pencha pour voir ce qui se passait, mais la femme n’était déjà plus dans la cour. Elle se serrait désespérément contre lui. Il ne l’avait même pas vue revenir. Elle tremblait comme une feuille. Tout son corps frissonnait, elle était brûlante. Iohann Moritz regarda par l’ouverture de la cour. La fenêtre de la chambre de Suzanna était éclairée et largement ouverte. Iorgu Iordan en chemise de nuit se promenait de long en large, une lanterne à la main comme s’il cherchait quelque chose. Moritz caressa les cheveux de la femme, la serrant contre lui pour l’empêcher de voir son père. Mais elle avait tout vu. Et c’est pourquoi elle se serrait ainsi contre lui. Elle ne pouvait même pas pleurer tellement elle tremblait de peur. Ils entendirent la voix de Iorgu Iordan. Il jurait. Moritz regarda le corps du géant. Dans son ombre apparut la silhouette frêle de Iolanda. Elle demeura ainsi devant Iorgu Iordan un instant, un seul. Le géant tourna le dos à la fenêtre. Moritz ne voyait plus la femme. Elle avait disparu derrière le corps massif de son mari. Puis il entendit les cris de Iolanda, des cris aigus, qui vous déchiraient la peau comme avec des tenailles, vous pénétraient dans les pores. La flamme s’éteignit. La fenêtre demeura ouverte mais sombre. Les cris de Iolanda perçaient la nuit, de plus en plus désespérés. Ils s’éteignirent doucement. Un moment encore ils parvinrent jusqu’à eux étouffés. Moritz et Suzanna tremblaient. Les cris cessèrent. La femme était tombée par terre. Iorgu Iordan la rouait de coups de pied dans la chambre sans lumière.
    – Maman ! dit Suzanna. Il tue maman !
    Elle s’arracha des bras de Moritz. Elle voulut se précipiter dans la cour. Mais il la tenait ferme en la caressant. Puis il lâcha prise ; il voulait aussi courir au secours de cette femme qu’on assommait. Moritz se rendait compte que bientôt il serait trop tard. Tous ses muscles étaient tendus. Mais il ne courut pas pour sauver Iolanda. Il n’était pas armé. Le géant, lui, avait des fusils, il était taillé dans le roc. Son instinct lui interdisait le combat. C’était inutile.
    Iohann Moritz prit Suzanna dans ses bras. Elle se débattait contre sa poitrine. Mais il la tenait serrée. Il s’en alla à travers champs à grands pas. Il avait comme une impression que le géant était parti à la recherche de Suzanna un fusil à la main. Il voulait la cacher. Il voulait l’emmener très loin. Aussi loin que possible de la maison au toit de tuiles rouges. Il courait les yeux fermés. Il croyait entendre derrière lui les pas du géant, parti pour tuer cette femme qu’il tenait dans ses bras.
     
     
     
8
     
     
     
    Iohann Moritz coupait à travers champs pour éviter la route. À plusieurs reprises il buta contre des taupinières et maintint avec peine son équilibre. Il sentait venir la fatigue. Il devait marcher depuis très longtemps car il se sentait épuisé, les bras inertes. La sueur lui coulait dans les yeux et l’aveuglait. Il s’arrêta au beau milieu d’un champ de maïs et déposa son fardeau par terre. Il n’en pouvait plus. Il étendit Suzanna sur le sol mouillé, lui couvrit les genoux de sa robe et posa ses mains sur sa poitrine. Il arracha tout autour de lui de larges feuilles de maïs dont il fît un oreiller et y posa la tête de Suzanna. Puis il prit encore d’autres feuilles ; il en fit une couche molle de verdure et y étendit la femme dessus.
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