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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure
Autoren: Virgil Gheorghiu
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n’avait pas la patience d’aller doucement. Une fois devant le bois de chêne il s’arrêta. Son terrain s’étendait de l’endroit où il se trouvait à la lisière de la forêt. Il était planté de maïs qui lui arrivait aux épaules. Il n’était pas grand, mais il pouvait contenir une maison, une cour, un verger. Il le mesura du regard, en long et puis en large. Il voyait s’élever au-dessus du maïs le toit de la maison, le long bras du puits à balancier, la grande porte en chêne, l’étable. Bien souvent il avait vu se dresser devant ses yeux tout cela, mais jamais avec une telle netteté. Tout paraissait vrai, tel qu’il l’avait désiré. Iohann Moritz sourit. Le vent courbait les tiges vertes du maïs qui ondulaient comme des vagues. Il écoutait leur bruissement. Il se pencha et ramassa une poignée de terre. Elle était chaude dans sa main comme un être vivant. Sa chaleur était celle d’un corps. La chaleur d’un moineau qu’on tient entre ses doigts. Iohann Moritz se pencha de nouveau et de sa main droite prit de la terre. Il serra le poing avec force, puis il ouvrit ses mains et la laissa filer entre ses doigts. Il avança à travers le maïs vers la forêt. Mais au milieu du champ il se pencha de nouveau pour prendre de la terre. " Celle-ci aussi est chaude pensa-t-il. Il s’en caressa la joue. Son odeur le pénétra. " C’est une odeur de tabac. Ça sent bon la terre ", pensa-t-il. Iohann Moritz leva la tête. Il respira à plusieurs reprises longuement, pour se remplir les poumons des senteurs parfumées du sol. Il pensa : " Suzanna doit m’attendre ", et il se mit à siffler.
     
     
     
6
     
     
     
    La maison de Iorgu Iordan, le père de Suzanna, se trouvait au bord du village. Une grande maison couverte de tuiles rouges. Iohann Moritz se dirigea en traversant les jardins vers la cour. Puis il s’arrêta et regarda par une fente de la palissade. Iorgu Iordan sortit sur le balcon. Il marchait lourdement. Il tira les volets puis les verrous et les ferma à clé, tour à tour. Moritz suivait tous ses mouvements. Après avoir verrouillé les portes et les fenêtres, Iorgu Iordan regarda, soupçonneux, tout autour de lui. Il descendit les marches de bois, qui craquaient sous le poids de son corps de géant. Il portait comme toujours une veste verdâtre, des bottes courtes et des culottes de cheval. Il traversa le jardin devant la maison et se dirigea vers la porte. Il en tira brutalement le verrou et tourna la clé par deux fois. Puis il s’en retourna en se balançant. Il fit le tour de la maison, jetant des regards alentour, comme s’il cherchait quelqu’un caché dans l’ombre. Il pénétra dans la maison par la porte de derrière. On entendit une clé tourner deux fois" dans la serrure. Puis le silence se fit. Iorgu Iordan entra dans sa chambre à coucher aux murs couverts de trophées de chasse, de têtes empaillées de cerfs, de loups et d’ours. Au milieu du mur entre les aigles empaillés et les bois du cerf, des fusils de chasse, des pistolets et des cartouchières. Au bord du lit immense deux fourrures noires. Iorgu Iordan foula de ses bottes les peaux d’ours et prit un fusil qu’il appuya contre le lit. Il sortit d’un tiroir un revolver, une bougie et une boîte d’allumettes qu’il posa sur la table de nuit. Il s’assit au bord du lit, le souffle court, enleva ses bottes et les mit l’une à côté de l’autre. Chaque nuit, il les mettait au même endroit pour les retrouver dans l’obscurité rien qu’en tendant la main. Puis il se déshabilla et se coucha, s’enfonçant dans les oreillers blancs comme un ours dans la neige. Iohann Moritz vit la lumière s’éteindre. Elle diminua, trembla, puis disparut. La fenêtre devint noire comme une bouche d’ombre. La chambre de Iolanda, la femme de Iorgu, était éclairée, mais la lumière était tamisée, frêle. Avant d’arriver à la fenêtre, elle passait à travers l’abat-jour en soie. Les gens disaient que Iolanda était malheureuse. Elle était arrivée au village vingt-cinq ans auparavant avec Iorgu Iordan ; ils étaient à cheval et avaient fait halte à l’auberge. Personne ne savait d’où ils venaient. Mais ce devait être de très loin. Elle, était Roumaine, lui, non. Plus tard on sut qu’ils venaient de Hongrie. Ils portaient tous les deux de longues pelisses fourrées. Après qu’ils eurent avalé des grillades et du vin, ils s’étaient couchés dans la chambre de
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