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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure
Autoren: Virgil Gheorghiu
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Fântâna
     
     
     
1
     
     
     
    –  Je ne peux pas croire que tu partes ! dit Suzanna à Iohann Moritz, en se serrant contre lui.
    Elle posa les mains sur la tête de l’homme et caressa ses cheveux noirs. Il recula d’un pas.
    – Pourquoi ne le crois-tu pas ? lui répondit-il d’une voix dure. Après-demain à l’aube je serai parti.
    – Je le sais ! murmura-t-elle.
    Ils demeuraient debout près de la haie. Il faisait frais. Il était minuit passé. Iohann prit les mains de la femme, les laissa tomber et dit :
    – Et maintenant au revoir !
    – Reste encore un peu ! Elle le suppliait.
    – Pourquoi veux-tu que je reste ? Sa voix était ferme, décidée.
    – Il se fait tard. Demain je dois travailler.
    Elle ne répondit pas, mais se serra davantage contre lui. Entrouvrant la chemise de l’homme elle mit la joue contre sa poitrine et leva les yeux.
    – Les étoiles sont belles ! dit-elle.
    Lui, s’attendait à quelque chose d’important. Il croyait qu’elle l’avait retardé pour cela. Il s’écarta d’elle, voulut s’éloigner. Mais il se rappela qu’il allait partir et qu’il serait absent au moins trois ans.
    Et alors il regarda lui aussi les étoiles pour lui faire plaisir.
    – Est-il vrai que chaque homme ait son étoile au ciel ? Lorsqu’il meurt est-ce vrai qu’elle tombe ?
    – Qu’est-ce que j’en sais ? répondit-il. Maintenant il était décidé à partir.
    – Au revoir !
    – Est-ce que nous avons aussi nos étoiles là-haut ? demanda-t-elle.
    – Comme tout le monde, répondit Moritz. Là-haut ou en nous.
    Il prit la tête de la femme entre ses mains et l’écarta de sa poitrine. Puis il partit. Elle l’accompagna jusqu’au chemin en lui tenant la main. Elle regardait les étoiles, et puis le regardait.
    – Je t’attends demain soir ! dit-elle.
    – S’il ne pleut pas.
    Suzanna aurait voulu le suivre encore, le supplier de venir, même s’il pleuvait. Mais il s’éloignait à grands pas. Il disparut au tournant de la route, derrière le jardin. La femme demeura un moment sur place. Elle lissa sa robe sur ses hanches pour en faire tomber les brindilles qui s’y étaient accrochées. Avant de pénétrer dans la cour, elle regarda l’herbe froissée sous le noyer, là où ils étaient restés étendus l’un près de l’autre. Elle sentait encore dans ses narines l’odeur du corps de Moritz – une odeur d’herbe écrasée, de tabac et de noyau de cerise.
    Iohann Moritz traversa le champ et se dirigea vers sa maison, en sifflant. Il portait des pantalons noirs de soldat, une chemise blanche dégageant le cou. Il était nu-pieds. À plusieurs reprises il s’arrêta de siffler et bâilla. Puis il pensa à la femme qu’il venait de quitter. Il pensa à Suzanna. Il aurait voulu sourire. " Ses histoires d’étoiles… Les femmes sont des enfants. Elles se posent des tas de questions inutiles ", se dit-il. Puis il pensa au voyage qu’il allait faire dans deux jours. Il pensa à l’Amérique. Puis il ne pensa plus à rien. Il se remit à siffler. Il avait sommeil. Il aurait voulu être déjà chez lui et dormir. Il devait se réveiller très tôt. C’était sa dernière journée de travail. Et l’aube était déjà là. Dans quelques heures le jour serait levé. Iohann Moritz pressa le pas.
     
     
     
2
     
     
     
    À l’aube Iohann Moritz s’arrêta devant la fontaine du village et, ouvrant largement sa chemise, prit de l’eau dans ses mains et s’en frotta le visage et le cou. Il prit le milieu de la route et se sécha les mains en les passant dans ses cheveux. Il arrangea le col de sa chemise sans le fermer et regarda le village. Le brouillard laiteux s’étirait. C’était le village de Fântâna en Roumanie. Iohann Moritz y était né vingt-cinq ans auparavant. Et maintenant, tandis qu’il le contemplait ce village, avec ses petites maisons, et les trois clochers de ses trois églises – l’orthodoxe, la catholique et la protestante – il se rappela que Suzanna lui avait demandé la veille s’il n’allait pas languir de ne plus y vivre. Il avait ri alors, amusé par la question, et avait répondu qu’il était un homme. Seules les femmes pouvaient languir. Mais à présent il sentait comme un vague regret l’envahir. Il siffla de nouveau et détourna les yeux.
    La maison du prêtre Alexandru Koruga se trouvait au bord de la route, non loin de l’église orthodoxe. La porte était fermée. Iohann se pencha et
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