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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure
Autoren: Virgil Gheorghiu
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parlé, et ils avaient travaillé tout le temps côte à côte, chaque jour.
    – J’ai reçu la lettre hier à peine, dit Moritz.
    – Tu pars seul ?
    – Avec Ghitza Ion. Sur le navire nous nous engagerons comme manœuvres. Nous travaillerons aux chaudières, ainsi nous n’aurons à payer que 500 lei par personne. Ghitza a un ami à Constantza qui travaille au port et qui a tout arrangé.
    Le prêtre lui souhaita bonne chance. Il regrettait son départ. Iohann Moritz était jeune, il travaillait bien. Il avait bon cœur, il était honnête, mais il était pauvre.
    Il n’avait pas un arpent de terre. Toute la journée, les deux hommes travaillèrent. Le vieillard parlait de l’Amérique. Moritz écoutait. À plusieurs reprises il soupira. Maintenant il regrettait presque sa décision.
    Le soir après avoir pris son dû, Moritz demeura les yeux baissés devant le prêtre. Il resta ainsi encore un moment. Il n’avait pas la force de s’en aller. Le vieillard lui tapa sur l’épaule.
    – Écris-moi dès que tu seras arrivé, dit-il. Demain matin, viens chercher le paquet que je t’ai promis. Tu auras de quoi manger en route. Il lui donna encore 5 billets de 100 lei et lui dit :
    – Viens dès l’aube. Frappe au carreau doucement. Il vaut mieux que ma femme n’entende rien, c’est souvent pingre les femmes, tu sais. Je préparerai tout dès ce soir. Quand veux-tu partir ?
    – Au petit jour, je dois rencontrer Ghitza Ion au bout du village.
    – Tu as juste le temps de passer chez moi. Autrement je t’aurais dit de venir ce soir.
    – Je préfère demain, dit Iohann Moritz. Il pensait que ce soir Suzanna l’attendrait. Puis il partit.
     
     
     
3
     
     
     
    Le prêtre Koruga déposa le sac contenant les provisions, sous la fenêtre contre le mur. Il éteignit la lampe et alla se coucher. Avant de s’endormir il songea à Iohann Moritz et à son voyage en Amérique. En préparant le sac il avait eu l’étrange sensation que c’était lui qui partait. Trente ans auparavant il avait lui aussi préparé ses bagages. Il venait tout juste de recevoir son diplôme de théologie, et avait été engagé comme missionnaire à la colonie orthodoxe du Michigan. Une semaine avant de partir il avait télégraphié qu’il renonçait à son poste. Entre-temps, il avait fait la connaissance de sa femme et s’était marié. Depuis lors il était le pope de ce village. Le village était petit, la vie dure. Il avait souvent regretté d’avoir renoncé à ce départ. Mais il était trop tard. L’Amérique était restée un rêve. Chaque fois qu’un paysan s’en allait là-bas, il lui donnait des cigarettes, des provisions, un peu d’argent et lui demandait d’écrire une fois arrivé. Il faisait tout cela à l’insu de sa femme. Elle n’aurait rien eu à redire, mais le vieillard, chaque fois qu’il pensait à l’Amérique, avait l’impression de lui être infidèle. C’était pour elle qu’il y avait renoncé. Dans son cœur le conflit était demeuré latent. Mais le départ de Iohann Moritz n’était pas comme celui des autres. Moritz était son homme de confiance. Et avec Iohann Moritz, c’était un peu de lui-même qui s’en allait vers le Nouveau Monde.
    Dans le ciel la lune était pleine. Le prêtre Koruga ne pouvait s’endormir. Il se leva. Il alluma. Il se dirigea vers la bibliothèque, dont les étagères couvraient trois des murs de la chambre. Il prit un livre. Avant de l’ouvrir il jeta un coup d’œil vers les rayons chargés. Il y en avait en anglais, en allemand, en français et en italien. Sur l’autre mur des classiques grecs et latins. C’étaient tous de vieux amis. Il se demandait parfois pourquoi il n’avait pas voulu entrer à l’Université. Des amis à Iasi et à Bucarest le lui avaient proposé. Mais deux fois il avait refusé la chaire d’Histoire de l’Église. Il ne le regrettait pas. À Fântâna il célébrait la messe les dimanches et les jours de fête, et le reste du temps, il s’occupait de sa terre, de ses abeilles, de son verger. Le soir il lisait. Le destin lui préparait l’avenir. Il l’acceptait. Une seule fois il avait essayé de forcer le destin : lorsqu’il avait eu l’intention d’aller en Amérique. Il avait mis tout en œuvre pour partir. Et malgré cela, il n’était pas parti, quelque chose d’imprévu était intervenu. C’était tout. Depuis lors il avait renoncé à faire des plans.
    " Est-ce que vraiment, se demanda le
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