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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure
Autoren: Virgil Gheorghiu
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c’est une vraie bête. Quand il est en colère, il prend le fusil et il te tire dessus. Même ses chevaux y ont passé, les fois où il était furieux, et Dieu sait pourtant qu’il les aime plus que les yeux de sa tête. Il serait capable de tuer sa fille, si elle revenait, surtout maintenant qu’elle s’est enfuie de chez lui.
    – C’est bien que tu comprennes, dit Moritz.
    – Si les choses en sont là, répliqua le vieux, ce serait difficile de ne pas comprendre. Je le connais bien, va.
    – Mais dans quelques jours on pourra l’envoyer chez elle, dit Aristitza. J’irai avec elle.
    – Suzanna ne retournera pas chez elle, dit Iohann Moritz. Je ne le veux pas !
    – Et si elle n’a pas d’argent qu’en feras-tu ? demanda la vieille. Tu veux crever de faim avec elle ? Des femmes, ça se trouve partout. Pas un homme ne la prendra sans dot. Tu ne vas quand même pas faire une bêtise pareille ?
    – Je la prends sans dot ! répliqua-t-il.
    – Tu es devenu fou ! Renoncer à tout pour une femme ? Ne plus partir en Amérique pour une femme ? À cause d’elle ! Et tout ça pour une pisseuse de rien du tout !
    – Ta mère a raison, dit le vieux. Ne fais pas de bêtise. Pars en Amérique. À ton retour tu prendras un lopin de terre, tu construiras ta maison et tu pourras te marier. Tu en trouveras des femmes, va !
    – Je ne pars plus ! dit Moritz.
    – Tu crois que c’est trop tard, dit le vieux. Ghitza doit t’attendre encore à l’autre bout du village ; le soleil vient à peine de se lever. Si tu te dépêches tu peux le rattraper.
    – Vous me demandez d’abandonner la fille et de partir en Amérique ? Vous avez ce cœur, père ?
    – Où est la fille ? demanda Aristitza.
    – Devant la porte ! dit Moritz.
    Les vieux tressaillirent. Leurs visages s’allongèrent. Aristitza regarda par la fenêtre. Moritz se mit contre la porte pour l’empêcher de sortir.
    – Mère, je veux te demander quelque chose. Reçois Suzanna et garde-la ici quelques jours, jusqu’à ce que je trouve où la mettre. C’est votre fille maintenant.
    – Tu veux la faire vivre ici ?
    La mère était furieuse.
    – Tu veux que Iorgu Iordan nous tue, ton père et moi ?
    – Tu sais bien qu’il y a à peine de la place pour nous, dit le vieux. Où veux-tu la coucher ? Non, Ion, ce n’est pas possible.
    – Tu voudrais peut-être qu’on lui donne aussi à manger ? demanda Aristitza, qu’on prenne la nourriture de notre bouche pour la lui donner.
    Iohann Moritz baissa les yeux. Il s’était bien attendu d’avoir à affronter sa mère, mais il croyait que son père ne dirait rien.
    – Alors Suzanna restera ici jusqu’à ce soir seulement, dit-il. Je n’ai où l’emmener. Ce soir, nous partirons à la ville et je chercherai du travail. Elle est malade. Elle doit se reposer un peu pour pouvoir marcher jusque là-bas. La peur qu’elle a eue cette nuit lui a donné un coup.
    – Aujourd’hui, nous n’avons rien à manger, dit la vieille. Si tu veux qu’elle crève de faim, tu peux la laisser.
    – Je lui apporterai à manger, dit Moritz. Mais elle doit dormir, elle ne peut pas se tenir debout.
    – Ton père est malade et doit garder le lit tout le temps, dit Aristitza. Où veux-tu la coucher ? Dans le même lit que ton père ?
    – S’il n’y a pas de place dans la maison, elle dormira dehors, dans le foin, là où je dors aussi.
    – Ça je veux bien, dit Aristitza. Mais je ne lui donnerai rien à manger. Je n’ai rien.
    Iohann Moritz fit un geste pour sortir. Il s’arrêta sur le seuil et s’adressa à son père.
    – Le peu de temps qu’elle restera ici, soyez bon pour elle ! Elle est assez malheureuse comme ça !
    –  Tu oses nous apprendre comment nous devons nous conduire, scélérat ? demanda Aristitza. L’œuf apprend à la poule comment elle doit pondre ? Au lieu d’aller en Amérique, gagner de l’argent, tu nous colles cette fille entre les bras et tu voudrais qu’on te la nourrisse par dessus le marché. Et maintenant, tu viens encore nous donner des conseils !
    Aristitza se pencha pour prendre un morceau de bois et le frapper. Il était habitué aux gros mots et aux coups. Toute son enfance n’avait été qu’une longue suite de coups et d’insultes.
    – Vous serez bons avec elle ? dit-il en souriant. Je reviens tout de suite. Je vais lui chercher quelque chose à manger.
    Puis il sortit de la chambre.
    Suzanna n’avait pas bougé. Elle
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