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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure
Autoren: Virgil Gheorghiu
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pas rester ici, continua le vieux. Si tu restes ici, Aristitza va t’étrangler ou te fendre la tête. Ça arrivera. J’en suis sûr. Ce serait tout de même malheureux qu’il y ait du sang qui coule. Si Ion voit ça, il tuera sa mère, et ce serait grand péché. Il ne faut pas qu’il y ait malheur. Tu m’entends ?
    – Je vous entends !
    Les lèvres de Suzanna remuaient à peine.
    – Moi, je te conseille de te lever et de partir tout de suite. Pars avant que Ion ne soit de retour. Tu n’as qu’à couper par le champ de maïs. Va chez ton père et chez ta mère. Quand Ion reviendra, je lui dirai que tu es sur la route. Et il ne te retrouvera plus. Vous oublierez l’un et l’autre, vous êtes jeunes et la jeunesse ça oublie vite. Va, lève-toi et pars !
    Suzanna demeurait la tête tournée. Elle avait bouché ses oreilles de ses mains, et n’avait même pas entendu ce que lui racontait le vieux.
    – Tu ne veux pas partir ? demanda le vieux.
    Il voulut la prendre dans ses bras et la reconduire chez elle. Mais il se dit que Ion ne lui pardonnerait pas. Il se remit debout.
    – Ce sera ta faute si un malheur arrive ! Moi j’ai fait mon devoir. Je t’ai avertie.
    Suzanna demeura seule. Le vieux était rentré dans la maison. Iohann Moritz revint du village avec un broc de lait à la main et le mit à bouillir.
    – À nous, tu ne nous as jamais apporté de lait ! cria Aristitza, mais à cette traînée tu en donnes ! Il aurait mieux valu que je t’étrangle quand tu étais petit au lieu de te garder dans mes bras et de te donner mon lait !
    Iohann Moritz s’était mis à genoux devant l’âtre et regardait les flammes danser. Il faisait semblant de ne pas écouter sa mère. Aristitza s’approcha de lui :
    – Pars tout de suite de ma maison, emmène ta sale putain. Fais-la déguerpir sur-le-champ, sinon je la tue. Si tu ne la fais disparaître de mes yeux tout de suite, je l’étrangle. Je vais l’étrangler de ces doigts. Tiens, tu vois ?
    – Dès qu’elle aura bu de ce lait, nous partirons, répondit Moritz.
    Il n’avait pas jeté un seul regard sur les doigts de sa mère, sur ces doigts " qui allaient étrangler Suzanna ".
    – Nous partons en ville et tu ne nous verras jamais plus.
    – La comtesse ne peut pas partir avant d’avoir bu son lait ? demanda Aristitza. Ta mère n’a pas besoin de lait le matin, mais elle, elle en a besoin.
    Moritz prit le pot de sur le feu. Le lait n’avait pas encore bouilli. Mais il était chaud. Il sortit sans regarder les vieux.
    Suzanna avait tressailli en entendant des pas.
    – C’est moi ! dit Moritz. Je t’apporte du lait chaud.
    Il lui tendit le pot.
    – Je ne veux pas de lait ! murmura-t-elle.
    – Prends-en un peu.
    Suzanna prit le pot des mains de Moritz. Iohann Moritz rentra dans la maison pour prendre son sac. Le sac préparé pour son départ en Amérique. Le sac qu’il aurait dû prendre tout à l’heure s’il était parti.
    – Tu t’en vas avec elle ? demanda Aristitza.
    – Oui, répondit-il.
    – Bien ! Aristitza serra les dents.
    Pendant que Moritz prenait ses hardes de sous le lit, Aristitza sortit dans la cour ; Suzanna la vit se diriger vers elle. Elle resta pétrifiée, le pot à la main.
    – Lève-toi tant que tu le peux encore ! dit Aristitza. Je vais te rouer de coups, sale garce, attends seulement, tu vas voir !
    Et avant même d’avoir achevé sa phrase, elle empoigna Suzanna par les cheveux et se mit à la frapper. Suzanna poussa un hurlement. Iohann Moritz crut entendre les cris de Iolanda. Il arriva aussitôt.
    – Mère, que faites-vous ! s’écria-t-il.
    La vieille lui jeta un regard court comme un éclair de haine. Elle frappa une fois encore Suzanna sans même la regarder, puis elle s’enfuit dans le maïs.
    Suzanna avait le visage rempli de sang et ses lèvres et ses yeux bouffis. Le pot s’était brisé entre ses mains et avait marqué de larges entailles aux poignets. Les gouttes de sang se mélangeaient au lait, en larges taches sur la robe bleue. Iohann Moritz la prit dans ses bras. Il partit. Devant la porte il s’arrêta et prit son sac. Puis il sortit de la cour, sac au dos et la femme dans ses bras. Les deux fardeaux étaient lourds, trop lourds pour pouvoir avancer le front haut. Et Iohann Moritz marchait pesamment, la tête entre les épaules.

 
12
     
     
     
    À la pointe du jour, Iorgu Iordan abreuva ses chevaux et leur donna de l’avoine. Il leur caressa
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