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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1
Autoren: Alain Decaux
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un vieux monsieur. Comme quelques centaines de millions d’êtres humains, ce téléspectateur octogénaire avait vu Neil Armstrong prendre pied sur notre satellite. Or, au début du siècle, il avait également assisté aux vols des frères Wright, constructeurs de la première machine qui ait vraiment volé. Ainsi, le vieil Américain avait à la fois vu les frères Wright décoller de notre terre et Neil Armstrong marcher sur la lune. Insistants, les reporters lui demandèrent ce qu’il ressentait. Simplement, le vieux monsieur répondit : « Tout ça dans une vie d’homme ! »
    Il n’aurait pu mieux dire. L’épopée de la conquête de l’espace s’est entièrement déroulée en moins de soixante-dix ans. Dans le même siècle, les aviateurs ont tenté leurs premiers sauts de puce – et l’on a lancé des fusées jusqu’à la planète Mars, jusqu’à Jupiter et Vénus.
    Entre ces premiers essais qui représentent la préhistoire de l’aviation et la véritable conquête de l’air, une date nous apparaît comme essentielle : le 25 juillet 1909, jour où Louis Blériot a décidé que l’avion pouvait franchir une mer. Un pari qui, aujourd’hui, peut nous paraître dérisoire. Le Pas-de-Calais n’est large que de quarante kilomètres à peine ! Pourtant, la conquête de ce bras de mer a paru, en son temps, plus fabuleuse encore que, pour notre génération, la victoire sur la lune.
    Je n’ai pas l’âge du vieux monsieur de Dayton. Mais j’ai connu les artisans de cette épopée. J’ai recueilli les confidences de Ferdinand Collin, de Robert Grandseigne, de Louis Paragot – « P’tit Louis », l’apprenti. Je les entends encore me parler de Monsieur Blériot, leur patron. C’est à travers eux, par leurs yeux, que j’ai fini par voir, moi aussi, Monsieur Blériot et ces fanatiques qui, au cours de l’année 1905, s’acharnaient à faire voler des « plus lourds que l’air ».
     
    En général, ils étaient très jeunes. Leurs admirateurs se situaient surtout dans la génération des quinze à vingt-cinq ans. Parmi ces jeunots, Louis Blériot tranchait. Avec ses trente-trois ans, en 1905, il faisait figure d’ancêtre. D’ailleurs, il paraissait plus que son âge, avec des traits accusés, un curieux nez en bec d’aigle, et surtout cette grosse moustache noire qui lui barrait le visage. Cet homme du Nord – il venait de Cambrai – n’était pas du genre expansif. Plutôt bourru, parlant peu. Avec, comme on dit, les pieds sur terre.
    Une carrière toute classique, sans histoire. Un exemple de jeunesse bourgeoise : l’École centrale ; le diplôme d’ingénieur ; le mariage avec la fille d’un colonel, Alice Vedène. Une affaire qu’il crée, phares pour fiacres, automobiles, vélos, etc. : les phares Blériot. Elle se développe et finit par rapporter 60 000 francs par an. Ce n’était pas rien à une époque où un employé de ministère gagnait 150 francs par mois. Dès lors les Blériot habitent un hôtel particulier, boulevard Maillot. Ils ont six enfants, circulent dans deux voitures, des Panhard-Levassor, conduites par le chauffeur Henri, dont les joues vermeilles font l’admiration du quartier.
    Bref, une réussite. Qu’est-ce que Louis Blériot pourrait demander de plus à la vie ? Précisément, il en attend davantage.
    Car ce fabricant de lanternes vit dans un rêve. Il le cache soigneusement. Pour la raison, en cette époque de la bourgeoisie absolue, que les rêveurs sont mal vus. La vérité est que M. Blériot, cet homme si convenable, rêve de voler  !
    À l’École centrale, il y songeait déjà. Il pensait à une machine volante qu’il construirait un jour. Il n’en parlait pas. Plus tard, il a dit : « Je ne voulais pas qu’on me prenne pour un fou. » La machine volante du jeune Louis Blériot devait être, dans son esprit, un « plus lourd que l’air ». Depuis le XVIII e siècle, des hommes s’étaient élevés dans le ciel, mais à bord de ballons. Puis on avait appris à orienter ces édifices de toile et de gaz : les dirigeables étaient nés. Chacun savait pourtant que l’avenir n’était pas là. Le dirigeable offrait une trop grande surface – donc une trop grande résistance. C’est Nadar, l’homme des ballons, qui avait dit le premier en 1863 : « Pour lutter contre l’air, il faut être spécifiquement plus lourd que l’air. »
    L’histoire des années 1890 à 1910 est celle, justement, de la recherche
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