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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1
Autoren: Alain Decaux
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de ce plus lourd qui vaincrait l’air. Clément Ader avait le premier, en 1890, conçu une sorte de chauve-souris géante, tractée par une hélice et qui, lors de deux essais, s’était légèrement élevée au-dessus du sol. Au nom de la défense nationale, l’inventeur avait exigé le secret. Celui-ci avait été si bien gardé que, finalement, les pouvoirs publics s’étaient totalement désintéressés des travaux d’Ader. Ecœuré, il avait brûlé ses plans et ses prototypes. Et puis, en Amérique, les frères Wright avaient imaginé un biplan que l’on projetait dans les airs à l’aide d’une sorte de catapulte. Les Wright avaient eux aussi travaillé dans le secret. En France, on ne savait rien de leurs travaux. Ce qu’il faut bien souligner, c’est l’isolement de ces novateurs parallèles. Tous, ils travaillent dans la même perspective. La plupart du temps, ils s’ignorent.
     
    Un jour, M. Blériot n’y tient plus. À Henri, son chauffeur, il commande :
    — À Levallois, rue de la Révolte.
    Rue de la Révolte se trouve un garage, tenu par l’ancien champion cycliste Contenet qui a battu les records de 1898 à 1903. Contenet est un client des « phares Blériot ». Ce que Blériot est venu solliciter de lui, c’est le prêt d’un hangar. Contenet ne fait pas de manières pour accepter. Projetant en avant son torse nerveux, il aboie :
    — C’est pour quoi faire ?
    — Une machine volante…
    Des mois de travail. Une perpétuelle navette entre le boulevard Maillot et la rue de la Révolte. Le chauffeur Henri promène ses joues rebondies dans les cafés de Levallois, en soupirant :
    — Monsieur s’amuse à fabriquer un aéronaute !
    De temps en temps, Contenet vient jeter un coup d’œil sur le travail de son protégé. Un coup d’œil effrayant, car chaque mouvement de l’excellent Contenet sue la férocité. Hirsute, la bouche tordue, il hurle :
    — Alors, ça marche ?
    Le résultat : un « ornithoptère ». Une machine à ailes battantes, dont le moteur est actionné à l’acide carbonique. On la pousse dans un terrain vague. Blériot met le moteur en marche. Cela grince, cela s’ébroue, puis les ailes battantes se replient vers le sol. Définitivement. L’ornithoptère réintègre le hangar de Contenet.
    C’est là que Gabriel Voisin vient le voir. Le capitaine Ferber lui a dit, quelques jours plus tôt :
    — Venez avec moi faire la connaissance d’un marchand de lanternes qui a construit un appareil à ailes battantes.
    Ferber : l’un de ces chercheurs, comme il y en a alors six ou sept, acharnés à découvrir le secret du « plus lourd que l’air ». Il se tuera en tentant lui aussi de franchir la Manche. Gabriel Voisin, construit et essaye des planeurs pour le compte du mécène Archdeacon, président du Syndicat d’aviation. Il y gagne 190 francs par mois.
    Nous sommes en avril 1905. Blériot montre à Ferber et Voisin ce qui reste de sa machine. On parle. Voisin évoque le planeur qu’il construit à Billancourt. De cette visite, une association va naître. Sur la façade d’un atelier de Billancourt, rue de la Ferme, on cloue cette enseigne : Blériot-Voisin .
     
    Le premier enfant de ce mariage d’inclination est un « hydroaéroplane ». Voisin l’essaye lui-même sur la Seine. Superbement, l’appareil s’engloutit dans l’eau. Ce jour-là, la carrière d’aviateur de Voisin a bien failli s’arrêter définitivement. Enseveli sous le filet inextricable des « cordes à piano » brisées, un crochet douloureusement enfoncé dans le poignet droit, il ne parvient pas à regagner la surface. Plus il se débat, plus il s’enfonce. Quand on le tire de là, il suffoque. Il prend pied, grelottant, sur la berge où, plus sombre que jamais, l’attend Blériot. Entre ses dents serrées, il jette simplement à Voisin :
    — Vous aviez raison. Les ailes sont trop creuses.
    Puis, à grands pas, il s’éloigne.
    Le lendemain, quand Voisin, le bras bandé, retrouve Blériot, on reparle de la courbure des ailes. D’une voix changée, Blériot dit tout à coup :
    — Vous m’avez fait hier une peur que je n’oublierai jamais. Laissez-moi vous offrir un cadeau.
    Voisin, interloqué, garde le silence.
    — Choisissez, insiste Blériot.
    — Ben… un vélo…
    Il habite passage Dantzig. L’omnibus est cher, peu rapide.
    On va recommencer. Cette fois, il s’agit d’un appareil à cellules elliptiques, monté sur des flotteurs
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