C'était le XXe siècle T.1

l’Allemand a fait aux Juifs en Europe, nous le faisons aux Japonais dans le Pacifique. »
    La vérité est que le pilote du Spirit of Saint Louis , le vainqueur de l’Atlantique qu’adora le monde – Lindy  – est devenu, après la mort de son petit garçon, un autre homme.
    Il n’est que de considérer ses photos, de remarquer combien, au fil des années, se durcit son visage. L’âge ? Lindbergh est jeune, très jeune encore au moment où ses traits se marquent si profondément.
    S’il se mue d’idéaliste en misanthrope, s’il choisit d’admirer à contre-courant, s’il se voue au rôle ingrat – et si souvent stérile – de Cassandre, n’est-ce pas parce qu’il a traversé une épreuve jamais surmontée ? Certes, sa carrière a continué à se déployer harmonieusement, en apparence du moins. Il est devenu père d’autres enfants et il les a aimés. Il n’a jamais pu oublier.
    Même si nous ne pouvons approuver ce Lindbergh-là, nous devons nous souvenir du petit garçon de vingt mois, blond et bouclé, qui courait joyeusement dans la grande maison de Hopewell et qui a disparu un soir dans la nuit.
    Quand en 1974 Charles Lindbergh est mort d’un cancer de la lymphe, il s’était pourtant remis à croire à la vie. Il défendait les oiseaux, les animaux d’Afrique, en appelait à la vigilance de l’humanité occupée à détruire – lentement mais sûrement – le monde qu’elle habitait. Après avoir nié l’existence d’un au-delà, il était revenu à la foi. C’est dans une église que, selon sa volonté, l’on porta son corps.
    Cette foi, ne l’avait-il pas retrouvée dans l’espoir de rejoindre l’ombre légère, celle du petit garçon qui commençait à parler et qui, pour désigner son jouet favori, disait élépant au lieu d’éléphant ?