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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1
Autoren: Alain Decaux
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quais ne sont plus que murailles de flammes aveuglantes, il n’est pas un quartier qui ait échappé à la dévastation et ne soit noyé dans le sang. De tous côtés, l’incendie continue, et il ne restera rien de tout ce qui est inflammable…»
    À l’aube du 28, la ville brûle toujours. On compte six mille morts.
     
    L’état-major a consenti à ce que l’on enterre Vakulinchuk mais la nuit suivante, à 2 heures du matin. Considérant cette solution comme insultante, Feldmann a repoussé cette clandestinité. Il est venu rendre compte à Matushenko qui a décidé de se rendre à son tour à l’état-major. Ce qu’il fait. Seul.
    Nul ne songe à l’arrêter, il rencontre l’un des membres de l’état-major de Kokhanov, plaide et gagne : les obsèques auront lieu l’après-midi même, à 3 heures. On autorise douze marins à porter le drap funéraire. Ils ne devront pas être armés.
    Probablement n’a-t-on jamais vu spectacle aussi grandiose – mais aussi insolite – que ces obsèques. Soutenu par plusieurs hommes, le cercueil, recouvert par la croix de Saint-André et un tapis de fleurs, s’avance à travers la ville. Le père Parmen officie. Quatre marins, derrière le cercueil, rendent au mort un ultime hommage. Sur les trottoirs et aux fenêtres, toute la ville d’Odessa. Des fleurs qui pleuvent. Des cris :
    — Vive le Potemkine  !
    Il est 5 heures et demie quand, dans une tombe du cimetière, on inhume Vakulinchuk. À peine le père Parmen a-t-il achevé de prononcer ses dernières prières que des coups de feu éclatent. Qui a tiré ? Il semble que la force armée ait estimé que l’armistice était rompu dès lors que le « martyr » était enterré. De nouveau, la terreur. De nouveau des cadavres. Le père Parmen et neuf marins regagnent le Potemkine . Trois des leurs sont portés manquants.
    Il y a des heures qu’on discute sur le Potemkine . Dans l’après-midi, une nouvelle parvient à bord. L’état-major tsariste s’est transporté dans le théâtre de la ville. La réaction de Feldmann est immédiate : il faut que l’on tire sur ce théâtre. « Quand le gouverneur et son état-major auront été supprimés, tout sera possible ! » L’éloquence de l’étudiant reste sans effet. Pour ces marins, tirer sur Odessa, c’est tirer sur des Russes, sur des frères. Feldmann a beau jurer que sa famille elle-même se trouve dans Odessa, les autres se fâchent. Ils ne tireront pas.
    La délégation envoyée aux obsèques de Vakulinchuk rentre à bord. Hors d’elle. On a perdu trois camarades ! On les a assassinés ! Un beau tumulte. Du coup, les plus hésitants, ceux qui critiquaient si fort Feldmann, se déclarent convaincus. Eh bien, on va tirer sur cette racaille ! On va anéantir Kokhanov et ses complices ! On va écraser le théâtre sous les obus !
    Pas une minute à perdre. Matushenko donne l’ordre :
    — Camarades, à vos postes !
    D’abord, trois coups de semonce. Après quoi, sur le théâtre d’Odessa, sur l’état-major détesté, une pièce de 152 tire une première charge : cent cinquante kilos d’explosifs. Le cri de l’homme de guet : « Long ! » Le coup n’a pas atteint sa cible. Qu’est-ce donc que l’on a touché ? Quelles maisons d’habitation et quels pauvres gens ? Une nouvelle fois, la batterie de 152 tire. Le cri de l’homme du guet : « Long ! » Encore un échec. Commander un troisième coup, risquer un nouveau massacre inutile ? C’est plus que n’en peut supporter Matushenko. Il préfère interrompre le tir et envoyer un ultimatum au gouverneur, le sommant de se plier aux conditions que lui fixera le Potemkine . Sinon le bombardement recommencera.
    Avec un mépris de fer, le gouverneur rejette l’ultimatum. Le Potemkine perd définitivement la partie.
     
    Le lendemain, l’escadre paraît devant Odessa. Elle vient de Sébastopol pour anéantir le Potemkine . Quand un de ses navires, le Georges le Victorieux , se détache pour rejoindre le Potemkine et fraterniser avec lui le reste de l’escadre, pris de panique, s’éloigne. À bord du Potemkine , que de joie, que d’espoir ! On se croit sauvé puisque l’on est deux. Cela ne dure guère. La mutinerie du Georges n’est le fait que d’une minorité. La majorité reprend le contrôle du navire qui, volontairement, va s’échouer.
    Méthodiquement, grâce aux renforts qui arrivent sans cesse, la ville d’Odessa est reprise en main. On y installe des
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