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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1
Autoren: Alain Decaux
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et Dymtchenko. Logiquement le troisième aurait dû s’appeler Vakulinchuk. Il se meurt à l’infirmerie.
    Ses amis l’entourent. Il murmure :
    — Et le bateau ?
    — On t’a vengé, camarade ! On a tué les officiers. Le bâtiment est à nous.
    — Bon ça…
    Ce sont ses derniers mots. Il expire.
     
    Comme elle s’est déroulée vite, la mutinerie du Potemkine  ! À 3 heures de l’après-midi, elle est terminée. Matushenko a ordonné de nettoyer les ponts : « C’est mauvais pour nous, tout ce sang, partout. » Maintenant on va devoir faire face à tant de périls ! Comment réagira l’amiral, là-bas, à Sébastopol, quand il saura ? Comment se procurera-t-on le charbon, l’eau douce, dont le Potemkine se montre dévoreur insatiable ? Et la nourriture de l’équipage ? Terrible problème pour ces marins hier encore sans responsabilité aucune.
    C’est pour tenter de leur trouver une réponse que Matushenko donne l’ordre au nouveau commandant Alexeïev de diriger le Potemkine sur Odessa.
     
    Or, à ce moment précis, ce même 27 juin au matin, le gouverneur militaire de la ville d’Odessa, le général Kokhanov, vient de décréter la loi martiale. La ville est en pleine révolte. La première grande grève a été déclenchée en avril, dans les docks. Les sociaux-démocrates et les hommes du Bund dirigent le mouvement. Aucune cargaison ne peut plus être débarquée ou embarquée. Les boulangers se sont mis en grève, suivis par les cordonniers, les tailleurs, les imprimeurs, les bouchers puis, en juin, les ouvriers du jute, ceux du fer et du coton, les cheminots. Étrangement, c’est la date du 27 juin que les chefs des différents partis révolutionnaires ont choisie pour déclencher, à Odessa, la grève générale.
    Dès le lundi 26, plus de cinq cents travailleurs ont organisé une marche de protestation à travers la ville. La police et les cosaques leur ont barré la route. Par deux fois, on les a sommés de se disperser. Il n’y pas eu de troisième sommation. Un coup de feu a atteint un officier de cosaques qui, blessé, est tombé de son cheval. Fous de colère, les cosaques ont chargé. Deux ouvriers ont été tués, trois autres blessés. Du coup, la foule a renversé deux tramways et plusieurs voitures. Partout, du pavé d’Odessa, des barricades ont surgi. Des milliers de travailleurs ont convergé vers le quartier de Peresyp, là où le drame s’est produit. Le lendemain, la ville s’est réveillée sous l’empire de la loi martiale : mots terribles. Toute réunion publique est interdite.
    À ce diktat, personne n’est disposé à obéir. Spontanément, une foule immense se met en route vers le centre. Aux points névralgiques, la police et les cosaques prennent position. Les pierres sont les seules armes dont disposent les manifestants. Cosaques et policiers ne se gênent pas pour tirer. Quel est le but de cette foule ? Elle ne le sait pas elle-même. Elle est là pour dire non et montrer qu’elle existe. L’étudiant social-démocrate Feldmann – qui va jouer un si grand rôle – a témoigné : « De tous les côtés, on réclamait des armes. Et nous sentions que, si les sociaux-démocrates ne pouvaient répondre à cet appel, les masses se détourneraient de nous et que c’en serait fini de la grève. »
    Ces armes, où les sociaux-démocrates les prendraient-ils ? À la fin de cette journée du 27, plus de cent cosaques et agents de police ont été tués. Parmi les travailleurs, on dénombre plusieurs centaines de victimes. Trop inégal, le rapport des forces. À la fin de la journée, Feldmann constate que ces gens, qui ont affronté avec tant de courage la force armée, commencent à rentrer chez eux. Il ne leur reste que le désespoir.
    C’est alors, peu avant 8 heures du soir, que les habitants les plus proches du port voient avec stupeur un cuirassé mouiller dans la baie. Ils reconnaissent le Potemkine . En tête de mât et au beaupré, le drapeau rouge.
     
    À bord du Potemkine , dans les appartements de l’amiral, le comité du peuple a siégé sans désemparer pendant la plus grande partie de la nuit. Matushenko voulait des décisions. Il en a obtenu. On a résolu d’envoyer à terre des délégués mandatés pour acheter des vivres et du charbon. On a décidé de porter à terre le corps de Vakulinchuk afin que, non seulement l’équipage du Potemkine , mais la ville d’Odessa lui rendent hommage. Dans un communiqué, le
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