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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1
Autoren: Alain Decaux
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et muni de deux moteurs Antoinette de 24 CV. On le lance sur les eaux vertes et herbeuses du lac d’Enghien. Sous les regards d’une foule désabusée, il se refuse obstinément à quitter l’élément liquide.
    Blériot propose de substituer des roues aux flotteurs. Voisin accepte. On va essayer, sur la pelouse de Bagatelle, la machine modifiée.
    Bagatelle, c’est le fief de Santos-Dumont. Sur une sorte de chauve-souris qu’il dirige avec un volant d’automobile, le Brésilien a tenté à plusieurs reprises de décoller. En vain. Le 3 septembre 1906, il a quitté le sol et parcouru 7 mètres. Le 23 octobre, il s’est élevé au-dessus des arbres et a parcouru 25 mètres, décrochant ainsi la coupe Archdeacon, tant convoitée. Le 12 novembre, toujours sur le terrain de Bagatelle, Santos parcourt 220 mètres en vingt et une secondes, remportant cette fois le Grand Prix de l’Aéro-Club de France.
    Le même 12 novembre, Blériot et Voisin ont aussi conduit leur propre appareil à Bagatelle. Peyret, contremaître de l’atelier, a été promu sans hésiter au rang de pilote. L’appareil butte dans un caniveau et se brise.
    Au retour, dans la Panhard, Blériot développe ses nouvelles idées. Voisin a aussi les siennes. Malheureusement, ce ne sont pas les mêmes.
    — La collaboration avec Blériot, c’était une gigantesque engueulade, dira Voisin. Il fallait discuter à perte de vue pour la moindre chose.
    Cette fois, Voisin ne veut plus discuter. Fixement, Blériot regarde les épaules du chauffeur. Sans tourner la tête, il lance :
    — Séparons-nous.
    — J’allais vous le proposer.
     
    Voisin va trouver des capitaux, racheter sa part à Blériot. Quant à Blériot, il s’installe à Neuilly. Les fervents de la « petite reine » qui se rendent le samedi et le dimanche au vélodrome Buffalo, à la porte des Ternes, vont apprendre à connaître ce hangar peu reluisant qui, boulevard Victor-Hugo, porte l’inscription insolite :
     
    L. BLÉRIOT, ING. E.C.P.
    RECHERCHES AÉRONAUTIQUES
     
    Blériot construira seul son nouvel avion. En même temps, il a pris la décision la plus importante de sa vie : il expérimentera lui-même ses appareils. À l’aviation, il a déjà sacrifié son temps, sa fortune. Ce qu’il met en jeu maintenant, c’est sa vie.
    Quand il est prêt, cet avion, Blériot le conduit à Bagatelle. Il s’agit d’un monoplan. Car Blériot croit au monoplan. Sur la pelouse, un éclat de rire :
    — On dirait un canard !
    — Eh bien, je l’appellerai le Canard .
    Au vrai, les ailes ressemblent à celles du ptérodactyle tel qu’il figure sur la couverture du Monde perdu de Conan Doyle : minces nervures recouvertes d’une peau parcheminée. En fait, du simple papier verni.
    — Le papier est très léger, explique Blériot. Il permet à la voilure d’épouser exactement les formes compliquées de l’armature.
    Entre ses dents, il ajoute :
    — Surtout, on le répare très facilement.
    Premier essai du Canard  : les roues s’affaissent. Deuxième essai : les fourches des roues fléchissent. Troisième essai : l’hélice se fausse. Quatrième essai, le 5 avril 1907 : enfin il décolle ! Quelques jours plus tôt, l’aéroplane de Voisin, piloté par son frère Charles, a volé lui aussi.
    Les 8 et 15 avril, nouveaux sauts du Canard . Le 19, l’appareil atterrit brutalement, capote. Blériot s’en tire indemne, mais le fuselage est brisé. Il faut envoyer le Canard au cimetière.
    Son successeur, c’est la Libellule . Et la Libellule volera ! Le 11 juillet 1907 : 25 mètres. Le 25 : 50 mètres. Le 6 août : 150 mètres à 12 mètres de haut. Faut-il prendre Blériot au sérieux ? Soulignons en passant que la Libellule ne comporte aucun dispositif stabilisateur. L’équilibre est donné uniquement par le corps du pilote. Il se penche en arrière au décollage, en avant pour atterrir.
    Chaque jour, Henri véhicule Alice Blériot à Bagatelle. Avec un peu d’angoisse, elle voit le « monstre » cahoter sur l’herbe, décoller, s’élever, retomber… Le 17 septembre, la Libellule monte jusqu’à 25 mètres ! Jamais Blériot ne s’est élevé si haut. Prenons garde que 25 mètres représentent la hauteur d’une maison de six étages. Alice crispe les mains sur le manche de son ombrelle. Il y a là plusieurs centaines de personnes, nez au vent, bouche bée… Soudain, un cri : le moteur de la Libellule s’est arrêté. L’appareil
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