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1942-Le jour se lève

1942-Le jour se lève

Titel: 1942-Le jour se lève
Autoren: Max Gallo
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et à des ouvriers spécialisés juifs. »
     
    De ce soldat, qui imagine tranquillement l’inimaginable, à
Hitler, en passant par tous les hommes-rouages de la machinerie nazie (Himmler,
Goering, Goebbels, Rudolf Höss… des dizaines de milliers d’autres), une chaîne
se constitue, une « usine de mort » fonctionne.
    Ses mécanismes sont connus.
    Quand on interroge Martin Bormann :
    — Comment sera résolue la question juive ?
    Il répond :
    — Tout simplement.
    Et chacun comprend, admet l’extermination, la « solution
finale ».
     
    Ne s’étonne que celui qui est resté attaché à des valeurs
morales.
    Ainsi l’universitaire d’origine juive, mais converti au
protestantisme, Victor Klemperer qui écrit, à la fin de 1942, dans sa ville de
Dresde, après avoir entendu le Führer évoquer la juiverie internationale et son extermination :
    « Toujours la même musique mais poussée à son paroxysme…
Paroxysme des menaces contre l’Angleterre, contre les Juifs dans le monde
entier qui voulaient anéantir les peuples aryens de l’Europe et que lui
anéantit…
    « Ce qui est épouvantable, ce n’est pas qu’un dément se
déchaîne dans des crises de plus en plus forcenées, mais que l’Allemagne l’accepte,
depuis déjà près de dix ans et après presque quatre ans de guerre, et qu’elle
continue à se laisser vider de son sang. »
     
    Au même moment, dans les derniers mois de cette année 1942, Emmanuel
Ringelbum, qui veut témoigner de ce qu’il vit et voit dans le ghetto de
Varsovie, écrit de courtes notes :
    « La toute dernière période. Le temps des atrocités. Impossible
d’écrire une monographie parce que… »
    Il énumère les lieux d’extermination et répète :
    « Temps de persécutions et maintenant temps des
atrocités. »
     

     
    Un nom revient : Treblinka.
    C’est le dernier et le plus meurtrier des camps, construit
au nord-est de Varsovie, à proximité de la voie de chemin de fer
Varsovie-Bialystok, sur un terrain sablonneux dans un coude de la rivière Bug.
    Une voie unique mène de la dernière gare au camp.
    Comme dans les autres camps – Chelmno, Belzec, Sobibor –,
les déportés doivent se déshabiller et laisser tous leurs vêtements et leurs
objets précieux sur les quais de la « place de déshabillage ».
    De là, les victimes sont conduites aux chambres à gaz par la
« route du ciel » : Himmelstrasse, un étroit corridor
caché par d’épais branchages. Un panneau indique les « douches ».
     
    Dans les derniers mois de 1942, un ancien policier
autrichien, Franz Stangl, spécialiste de l’euthanasie, prend le commandement du
camp. Il dirigeait jusqu’alors celui de Sobibor.
    Là-bas, il avait l’habitude de faire le tour du camp en
culottes de cheval blanches.
    Il raconte sa première visite à Treblinka.
    « J’y suis allé en voiture, conduit par un chauffeur SS.
L’odeur s’est fait sentir à des kilomètres. La route longeait la voie ferrée. À
quinze ou vingt minutes de voiture de Treblinka, nous avons commencé à voir des
cadavres le long de la voie, d’abord deux ou trois, puis davantage et, en
arrivant à la gare, il y en avait des centaines, semblait-il, couchés là, abandonnés,
apparemment depuis des jours à la chaleur. Dans la gare, il y avait un train
plein de Juifs, les uns morts, d’autres encore vivants, ça aussi avait l’air d’être
là depuis des jours. […] Lorsque je suis arrivé au camp, en descendant de
voiture sur la place de triage, j’ai eu de l’argent jusqu’aux genoux. Je ne
savais de quel côté me tourner, où aller.
    « Je pataugeais dans les billets de banque ; la
monnaie, les pierres précieuses, les bijoux, les vêtements […]. L’odeur était
indescriptible ; des centaines, non des milliers de cadavres partout, en
décomposition, en putréfaction. De l’autre côté de la place, dans les bois, juste
à quelques centaines de mètres de la clôture barbelée et tout autour du camp, il
y avait des tentes et des feux avec des groupes de gardes ukrainiens et des
filles – des putains, je l’ai appris plus tard, venues de tous les coins
du pays – ivres, titubant, dansant, chantant, jouant de la musique. »
     
    Cette horreur, dans les derniers mois de 1942, on ne l’ignore
plus, ni à Londres, ni à Washington, ni dans aucun des pays occupés, mais on ne
veut pas l’admettre.
    Dans les communautés juives, les éclairs de lucidité sont
effacés par
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