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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu
Autoren: Maurice Denuzière
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ses tics et son art de la jérémiade quand il s'agissait d'apitoyer un interlocuteur intime.
     
    – Je suis certain que, si lady Lamia disposait de capitaux suffisants, elle financerait seule la construction du phare, car elle voit de près les conséquences des échouages, parfois meurtriers, sur la côte ouest de son îlot. Votre sœur a ce que les chrétiens appellent « l'amour du prochain », insista Charles.
     
    – Bon ! Bon ! Bon ! répéta lord Simon, plus rageur que résigné.
     
    – Notre dossier pour l'Imperial Lighthouse Service est en ordre. Il vous reste à le signer avant de l'expédier au gouverneur. Usez de votre autorité pour qu'il le transmette au plus vite à Londres, conseilla Charles.
     
    – Non, mon ami ; si je me décide, je l'expédierai directement à l'Amirauté, à Londres. J'enverrai seulement une copie du dossier au gouverneur, de qui je n'ai pas à solliciter l'aval pour construire ce que bon me semble sur mon domaine. Les Cornfield ne sont-ils pas lords propriétaires de Soledad depuis 1640 ? rappela Simon.
     
    Ses titres, son âge, sa position particulière dans les West Indies, reconnue par la Couronne, et ses relations avec le ministre des Colonies et le Colonial Office autorisaient celui que les insulaires appelaient le lord des Bahamas, à se dispenser d'un intermédiaire.
     
    Charles estima acquis l'engagement du maître de Soledad. Toutefois, connaissant la susceptibilité du gouverneur, représentant de la reine à Nassau, quand il s'agissait de ses prérogatives ou du respect d'une étiquette coloniale exagérément pointilleuse, il crut bon de mettre lord Simon en garde.
     
    – Sir George Strahan sera ulcéré si vous dédaignez son concours, risqua-t-il.
     
    – Dans un mois, il ne sera plus là. Son successeur est nommé. C'est un ami, sir John Pope-Hennesy. Il est attendu en janvier prochain, précisa lord Simon, avec le clin d'œil de l'homme informé.
     
    Quand Pibia, le majordome, eut servi un jus d'ananas relevé d'alcool de banane, lord Simon se pencha vers Desteyrac.
     
    – Ne tenez pas compte, cher Charles, de l'indiscrétion de ma question. Où en êtes-vous avec Ottilia ? Ces temps-ci, je la trouve moins radieuse qu'au moment de son retour d'Angleterre, il y aura bientôt un an. J'avais cru comprendre ce jour-là, que vous, veuf de ma fille Ounca Lou, elle, veuve du pauvre Malcolm Murray, vous alliez, comment dire… vous entendre pour partager une nouvelle vie. Me serais-je trompé ? Parlez-moi comme au père que je veux toujours être pour vous, dit lord Simon.
     
    – Nous nous entendons bien et nous sommes souvent ensemble. Nous allons demain rendre visite à lady Lamia, bafouilla l'ingénieur, visiblement gêné par la question de son beau-père.
     
    – Vous vous entendez bien : ça, je le sais et je le vois, mais elle habite ici à Cornfield Manor, parce qu'elle ne veut plus dormir à Exile House, tandis que vous continuez à résider à Valmy. Or, Otti m'a dit que Malcolm lui avait légué les plans d'une maison conçue pour vous deux, même pour vous trois, car je n'oublie pas Pacal. Il voyait en vous un couple qui, semble-t-il, n'existe pas. Pas encore, insista Cornfield.
     
    Comme Charles se taisait, déconcerté par ces propos, lord Simon vida son verre et se leva, mettant fin à l'entretien. Il prit le bras de l'ingénieur pour l'accompagner sur la galerie du manoir.
     
    – Je comprends que vous ne puissiez oublier Ounca Lou, ce qu'Ottilia ne vous demandera pas. Mais vous êtes dans la force de l'âge, prêt à construire un phare à Buena Vista et, je l'espère à diriger sur Soledad d'autres travaux que j'ai en tête. Alors, ne rejetez pas l'amour que ma pauvre Rosebud vous offre. Car elle vous aime depuis longtemps, Charles, autant, hélas qu'elle puisse aimer, à sa façon.
     
    – Je sais et j'ai pour Otti un sentiment qui répond au sien, mais j'hésite encore à le qualifier, répondit Charles en faisant signe à Timbo d'avancer le boghei jusqu'au pied du grand escalier.
     
    Passé le portail du parc de Cornfield Manor, Charles Desteyrac prit les rênes, renvoya son domestique à Valmy et se mit en route au petit trot vers le nord de l'île, où il aimait se rendre seul, quand il voulait s'abstraire des influences insulaires.
     
    Arrivé au promontoire de Deep Water Creek, il s'assit dans un creux de rocher. En contrebas de la falaise, l'Océan se frottait aux récifs, tantôt caressants tantôt
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