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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu
Autoren: Maurice Denuzière
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routes, distribuer l'eau… Ou alors, vous avez pitié de la femme incomplète, ou…
     
    Charles l'empêcha de poursuivre et, lui prenant les joues entre ses mains, lui plaqua sur la bouche un baiser insistant. Elle y répondit avec un touchant manque d'aisance. Sans ôter les mains de son visage, il fixa le regard d'Ottilia et vit combien, dans la pénombre, ses yeux clairs brasillaient sous les larmes.
     
    – Ce sera peut-être difficile car nous devrons, Otti, réinventer l'amour. Oui, il nous faudra inventer un amour à nous, qui ne ressemblera à aucun autre. Sachant cela, voulez-vous m'épouser ?
     
    Elle jeta les bras au cou de Charles avec une violence propre à sa nature.
     
    – Oh, rien ne m'importe, qu'être en profonde harmonie avec vous. Faire écho à votre patiente tendresse, jusqu'à la mort. Voilà mon souhait.
     
    Esprit pratique, celui qui venait de sauter le pas en vint bientôt aux dispositions à prendre.
     
    – Si vous le voulez, nous pourrons nous marier avant No'l, car il nous faudra, en janvier prochain, accompagner Pacal à Boston pour que Bob Lowell le prépare à entrer à Harvard, à la fin de l'été 73, puisqu'il n'a pu obtenir une inscription cette année. Les étudiants étrangers ne sont admis qu'à seize ans révolus.
     
    – Pacal ! Pacal ne va-t-il pas me considérer comme une intruse ? Il aimait si fort sa mère !
     
    – Rassurez-vous, il m'a déjà demandé : « Qu'attendez-vous pour épouser Tatoti ? » Car je crains bien qu'il ne vous appelle toujours ainsi, Ottilia.
     
    – Mon Dieu, Charles, que je suis heureuse ! Je vis un soir béni de ma vie.
     
    – Une nuit d'orage plutôt, rappela-t-il.
     
    La lueur bleue et brutale des éclairs faisait apparaître, de temps à autre, comme des curieux à la fenêtre, dans leurs cadres tarabiscotés, les ancêtres Cornfield, moustache sévère, regard soupçonneux. Charles les imagina furieux de n'avoir pas été consultés.
     
    « Peut-être pensent-ils qu'une lady va épouser un roturier », se dit-il. Puis, il se promit de conduire un jour la fille du lord à Esteyrac, terre auvergnate de ses aïeux, qui valaient bien les anciens Cornfield, éleveurs de moutons.
     
    Comme l'orage redoublait et qu'à travers les vitres du salon, ruisselantes de pluie, le balancement des palmiers ébouriffés révélait la force de la tempête, Ottilia, savourant le moment, se blottit avec un soupir d'aise au creux de l'épaule de Charles.
     
    – Vous ne pouvez rentrer à Valmy par ce temps. Vous dormirez ici cette nuit. Je vais sonner Pibia pour qu'il prépare une chambre.
     
    – Ne dérangez personne. Il est tard. Je ne crains pas la pluie. Et puis, tel que je connais Timbo, il est tout près, attendant dans le boghei capoté que je sorte. Demain sera un nouveau jour, Otti.
     
    Après un dernier baiser plus chaste, Charles quitta le salon. Dans le hall, il releva le col de sa redingote et sortit sur la galerie.
     
    Restée immobile sur le seuil, Ottilia vit le boghei, lanternes allumées, s'avancer, avant même que Desteyrac eût descendu la dernière marche de l'escalier. L'ingénieur s'engouffra dans la voiture qui, aussitôt, s'éloigna. La fulguration des éclairs en chapelet rendit féerique ce départ, dans la nuit et sous l'ondée, de l'homme qu'elle aimait.
     
    « Oui, demain sera un jour merveilleux », se répéta-t-elle, enjouée, se retenant de battre des mains.
     
    Le bonheur promis serait d'essence grave, hors du commun, secret, mais elle savait maintenant qu'elle le partagerait avec Charles, aux yeux de tous, tel un couple banal, pour le temps qu'il leur restait à vivre.
     
    Le lendemain, Charles Desteyrac se fit éveiller tôt et se mit en selle avec l'intention de se rendre à Cornfield Manor, afin de rencontrer lord Simon avant qu'il ne quittât sa demeure pour sa chevauchée matinale. Il le trouva sur la galerie du manoir, impatient, frappant la balustre de son stick dans l'attente de sa jument qu'un lad tardait à lui conduire.
     
    – Ah ! Charles ! vous êtes le bienvenu. Je vais faire un tour au port oriental. L'ancien hangar aux éponges se serait effondré cette nuit et le quai aurait été submergé. Venez-vous avec moi ?
     
    – Allons voir ensemble ce qu'il en est. Le hangar, construit au temps de votre père, menaçait ruine depuis longtemps. Je ferai construire un abri plus solide pour entreposer nos sacs d'éponges, dit Charles.
     
    Au petit trot de leurs
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