Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
ajoutât aux phares construits pendant les années trente, malgré l'opposition des pilleurs d'épaves, de nouveaux feux sur Cat Island et Inagua, rapporta le commandant Colson.
     
    – L'an prochain, va commencer sur Bird Rock, au nord de Crooked Island, l'érection d'un phare éclairé à l'acétylène. Haut de cent quinze pieds, équipé d'une lentille à diffraction de Fresnel, ce sera le plus moderne de la colonie. Mais les travaux seront longs et difficiles 3 dans une zone où beaucoup de navires s'éventrent, chaque année, sur les rochers à demi immergés, compléta Charles Desteyrac.
     
    – À ce propos, où en est votre projet d'un phare à Buena Vista ? s'enquit Colson.
     
    – Il attend le bon vouloir de lord Simon et des autorités coloniales. Mais, dès notre retour à Soledad, je vais presser Sa Seigneurie pour qu'elle obtienne enfin l'autorisation de l'Imperial Lighthouse Service. Étant donné l'augmentation du trafic maritime et de la navigation de plaisance, un phare est devenu indispensable au Cabo del Diablo, trop bien nommé par les marins. Mes plans sont prêts, dit l'ingénieur.
     
    – Mon ami, rien ne bougera avant qu'une catastrophe ne se produise. Les propriétaires et les administrations sont ainsi. Ils n'agissent que contraints et forcés par les événements, dit Colson.
     

    Dès le lendemain de son retour sur l'île, Desteyrac se rendit à Cornfield Manor, où lord Simon Leonard Cornfield le reçut, comme toujours, avec chaleur.
     
    Après avoir fait le compte rendu des affaires traitées à Nassau, Charles Desteyrac aborda le sujet qui le préoccupait. L'ingénieur tenait de ses ancêtres auvergnats une obstination inouïe et savait en user. Lord Simon en avait souvent éprouvé de l'agacement, avant d'en reconnaître les bons effets.
     
    – Après le naufrage du Missouri , qui a coûté la vie à quatre-vingt-quatre personnes, dont le directeur du Royal Victoria Hotel, nous devons, lord Simon, construire le phare du Cabo del Diablo sur Buena Vista. J'ai obtenu, il y a trois ans déjà, l'accord de votre sœur, lady Lamia, et je sais qu'elle ne reviendra pas sur sa parole. Elle m'avait confié en ce temps-là que vos investissements dans une société qui fournit des wagons à la Standard Oil de John Davison Rockefeller ne vous permettaient pas d'engager de grosses dépenses pour le phare.
     
    – Exact : j'ai quelques bonnes actions dans cette affaire, reconnut Cornfield, investisseur satisfait.
     
    – Et vous avez gagné beaucoup d'argent, si l'on en juge par les cours de Wall Street, n'est-ce pas ?
     
    – Où voulez-vous en venir ? bougonna le lord.
     
    – À ce que vous vous décidiez à obtenir l'autorisation de l'Imperial Lighthouse Service et à consacrer une part de vos bénéfices à la sauvegarde de ceux qui naviguent près de votre île, répliqua Charles avec aplomb.
     
    Comme lord Simon, sourcils froncés, préparait une réponse à cette insolence, l'ingénieur ajouta un argument dont il connaissait la portée.
     
    – La construction du phare est la seule affaire qui puisse me retenir à Soledad. À quarante-trois ans, je ne compte pas cesser mon activité et, si je suis inutile ici, je puis être utile ailleurs. Mon ami Albert Fouquet, qui connaît mes compétences, me propose d'entrer dans l'équipe que rassemble Ferdinand de Lesseps pour étudier le percement de l'isthme de Panama. Les Américains explorent déjà plusieurs tracés mais Lesseps, qui a fait le canal de Suez, a de meilleures idées, asséna Charles.
     
    Comme chaque fois qu'il était ému ou contrarié, lord Simon jaillit de son fauteuil en rugissant, le visage empourpré, l'œil mauvais.
     
    – Ça s'appelle du chantage, Charles et…
     
    – C'est du chantage, en effet, coupa l'ingénieur avec un sourire qui atténuait l'aveu.
     
    Lord Simon Leonard regagna son siège, l'air chagrin.
     
    – Je vais déjà être privé de mon petit-fils dès l'an prochain, puisque vous envoyez Pacal à Harvard. Quitte à le perdre pour plusieurs années, j'aurais préféré qu'il allât en Angleterre, à Oxford. C'est, hélas, une affaire réglée. Mais il ne manquerait plus que vous emmeniez Otti chez les sauvages du Nicaragua pour que je reste seul, à attendre la mort, en me desséchant comme un vieux champignon au creux d'un chêne ! reprit Cornfield, d'une voix dont il exagérait à dessein le ton lamentable.
     
    Charles aimait le vieil Anglais. Il connaissait tous
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher