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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu
Autoren: Maurice Denuzière
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villes américaines, déjà reliées entre elles, et, de là, en Grande-Bretagne, le câble transatlantique fonctionnant au mieux. La General Assembly se préparait à voter une subvention de deux mille livres sterling pour couvrir les premières dépenses 4 .
     
    Forts de cette bonne nouvelle, les commentaires allèrent bon train. La plupart des membres présents approuvèrent l'initiative des autorités. Par la magie du télégraphe électrique, l'isolement de l'archipel serait comblé et tout le monde y trouverait son compte, les transactions commerciales, de plus en plus fréquentes entre les Bahamas et le continent américain, souffrant d'une lenteur fort préjudiciable aux affaires. Les exportateurs de primeurs et de fruits devaient en effet compter sur le courrier pour recevoir, souvent après deux ou trois semaines d'attente, les commandes des négociants en gros de New York ou de Boston. À la satisfaction majoritaire, le docteur Kermor, Uncle Dave pour les intimes, mit un bémol chauvin.
     
    – Le gouvernement ferait mieux de dépenser pour installer le télégraphe entre Nassau et les Out Islands plutôt que l'offrir aux hommes d'affaires et aux hôteliers de New Providence. Le télégraphe sauverait des vies dans nos îles sans médecin. Le temps que je sois prévenu d'un cas de fièvre jaune à Bimini ou d'une congestion pulmonaire chez nos pêcheurs d'éponges de Long Island et j'arrive pour constater un décès ou trop tard pour soigner utilement.
     
    Charles Desteyrac et Philip Rodney, le commandant du Centaur , approuvèrent ce point de vue, dont Lewis Colson assura qu'il devait être partagé par lord Simon et de nombreux natifs des îles extérieures.
     
    – L'influence politique des anciens planteurs esclavagistes des Carolines et de Virginie, qui se sont établis dans l'archipel dès 1865, n'est pas étrangère à l'installation du télégraphe. Ces gens traitent beaucoup d'affaires avec les États du Sud, même avec les États du Nord, alors qu'ils continuent à maudire les Yankees, observa le pasteur Russell.
     
    – Ces gens, y voudraient bien pouvoir traiter les nègres 5 comme autrefois les esclaves. J'en connais qui veulent les faire travailler, du lever au coucher du soleil. Mais, chez nous, c'est la loi des West Indies, pas vrai, la loi anglaise, et ça plaît guère à ces Américains, qui sont toujours sur le dos de leurs ouvriers. Ils les paient en farine moisie et en mauvais café, dit Sharko, le mulâtre, gérant et barman du club, se mêlant à la conversation.
     
    – Ces Sudistes ont maintenant des élus dans les assemblées et nos Bahamiens, trop indolents, ont tendance à se laisser impressionner par ces gens mieux instruits qu'eux, dit Kermor.
     
    Avant de quitter le club, Charles prit Colson à part.
     
    – J'ai décidé lord Simon à financer la construction du phare, au Cabo del Diablo, sur Buena Vista. J'aurai besoin de votre aide et de vos charpentiers, car il faudra remettre en état les barges qui servirent autrefois au transport du train. J'ai l'intention de faire venir des pierres des États-Unis : notre calcaire corallien manque de densité.
     
    – Cette activité me sera salutaire, mon ami. Car, à cinquante et un an, je risque d'être mis à la retraite par lord Simon. Le Phoenix , qui fera bientôt, comme bon nombre de voiliers de sa classe, figure de pièce de musée, ne navigue plus souvent, et lord Simon a l'intention d'acquérir un yacht moderne. Il en confiera le commandement à un officier habitué à la gouverne des vapeurs. Je vois John Maitland tout désigné pour cette fonction. Il a fait son temps dans la Navy et je sais, par un capitaine qui l'a rencontré à la Jamaïque, qu'il cherche un commandement, dit Lewis Colson, désabusé.
     
    Charles savait par Ottilia que John Maitland et sa femme Myra, maintenant mère de deux enfants, étaient disposés à s'installer à Soledad. Myra, la plus jeune fille du défunt Bertie III Cornfield, de Charleston, était, depuis la fin de la guerre civile américaine, en révolte contre ses frères, que l'on désignait comme activistes du Ku Klux Klan et grands lyncheurs de Noirs. Elle avait fait vœu de ne jamais retourner en Caroline du Sud, bien que la plantation familiale de Clarendon House eût été rendue à ses frères et fût à nouveau en exploitation.
     
    L'ingénieur s'abstint de communiquer ces informations à son ami Lewis. La perspective d'être, à brève échéance, supplanté
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