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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer
Autoren: Gilbert Sinoué
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différence : au lieu que ce soient les Allemands, ce sont les Juifs qui se suicident maintenant. »
    La représentation diplomatique des États-Unis est littéralement assiégée par les Juifs candidats à l’émigration. Une minorité américaine – dont la communauté juive – s’inquiète du sort de ces milliers de gens chassés du pays où ils vivaient, souvent depuis des générations. Les autres craignent que les pressions internationales ne contraignent Washington à assouplir les lois sur l’immigration. Il faut savoir que depuis 1929, les visas d’entrée étaient limités à cent cinquante mille, desquels vingt-sept mille seulement étaient réservés aux ressortissants d’Allemagne et d’Autriche.
    Cordell Hull, le secrétaire d’État américain aux Affaires étrangères, et son adjoint Sumner Welles proposèrent alors d’organiser une conférence internationale qui réglerait le sort des réfugiés. Le président Roosevelt accepta et s’empressa aussitôt de rassurer ses électeurs : les quotas d’immigration ne seraient pas augmentés, tandis que Cordell Hull répondait à l’inquiétude de l’ambassadeur américain à Londres : « Cette action devrait conserver un caractère privé, tant par l’origine des fonds qui y seraient consacrés que par la composition des différents comités nationaux. » Les gouvernements réglementeraient à leur gré l’admission et le séjour des réfugiés, sans avoir à modifier leurs lois et leurs règlements en vigueur ; en outre, le financement serait supporté par des organismes privés. Trente-trois pays furent invités : vingt républiques d’Amérique centrale et du Sud ; la Grande-Bretagne et ses satellites du Commonwealth (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud) ; et en Europe, la Belgique, le Danemark, la France, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse. L’Italie de Mussolini refuse, et l’Afrique du Sud n’envoie qu’un simple observateur.
    Les Américains proposent que la conférence se réunisse en Suisse, résidence de la Société des Nations. Le gouvernement helvétique se récuse de crainte de désobliger la SDN [7] et, surtout, d’irriter l’Allemagne. La France accepte d’être le pays hôte, mais à condition qu’on ne s’éloigne pas de la Suisse. C’est l’hôtel Royal à Évian qui est choisi. La conférence s’ouvre le 8 juillet 1938 et se tient à huis clos. Elle a pour objectif de « faciliter l’émigration des réfugiés politiques en provenance d’Autriche et d’Allemagne, prévenir le chaos d’une fuite éperdue devant la violence nazie en Autriche annexée et qui pourrait faire tache d’huile, former une nouvelle instance internationale habilitée à négocier avec les autorités allemandes ».
    Très vite, la rencontre tourne à un vulgaire marchandage où s’affichent les égoïsmes. Parmi les orateurs des trente-trois États venus uniquement justifier la fermeture de leur pays à l’immigration, la France, par la voix du président de la commission des Affaires étrangères au Sénat, Henri Bérenger, déclare qu’elle est « au point extrême de saturation, si elle ne l’a pas déjà dépassé ». Tandis que le chef de la délégation britannique, lord Winterton, annonce de très vagues possibilités d’établissement en Afrique anglaise. Tout juste pourra-t-on laisser espérer l’installation de « quelques centaines de familles de colons » en Nouvelle-Calédonie et de « quelques milliers » à Madagascar.
    Parlant au nom des États-Unis, Taylor vante les mérites de son pays qui, dit-il, peut être « fier de la libéralité de ses lois et de ses méthodes actuelles ». Quant aux dominions et aux nations d’Amérique latine, unanimes, à l’exception de la République dominicaine, à proclamer leur incapacité à accueillir de nouveaux réfugiés – sauf peut-être des travailleurs agricoles –, ils s’abandonnent parfois à des excès de langage frappés au coin d’un antisémitisme rampant. Ainsi l’Australie déclare-t-elle préférer l’immigration britannique, car, n’ayant point de « problème racial réel » chez elle, elle juge inutile « d’en créer un ». Mêmes relents douteux dans les déclarations péruviennes : « L’Europe si troublée doit comprendre qu’un continent au moins doit rester libre de la haine et de l’esprit de vertige. »
    La conférence clôt ses travaux le 16 juillet. La
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