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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer
Autoren: Gilbert Sinoué
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place les structures d’accueil et, avec ses collègues de France, de Belgique, des Pays-Bas et d’Angleterre, il entreprit le délicat labeur qui consistait à déterminer la destination des passagers.
    Jamais ces hommes ne se seraient doutés que, à ce moment précis, ils décidaient de qui vivrait et qui mourrait.
    Le lendemain, à quatre heures du matin, trois voitures prirent la direction de Vlissingen, en Hollande, à environ quatre-vingts kilomètres d’Anvers, très précisément à l’embouchure de l’estuaire de la Scheldt. C’est dans la rade de ce port qui avait connu ses heures de gloire que Troper avait rendez-vous avec le Saint-Louis. Dix-huit personnes faisaient partie du voyage, parmi lesquelles M me  Louise Weiss et Ethel, l’épouse de Troper.
    La brume recouvrait le paysage et le soleil avait du mal à percer.
    La frontière fut franchie une heure plus tard.
    Aux alentours de cinq heures trente, les occupants des deux premiers véhicules se retrouvèrent dans un petit café de Vlissingen. Les autres, retardés par une crevaison, les rejoignirent une trentaine de minutes plus tard. Le temps de prendre une boisson chaude et ils se rendirent au commissariat principal afin d’obtenir l’autorisation de monter à bord du remorqueur qui les conduirait jusqu’au Saint-Louis.
    Puis, ce fut l’attente. Vers onze heures du matin, le navire apparut dans la rade. Nul ne pourrait décrire l’émotion qui s’empara à ce moment-là du petit groupe. C’était comme s’ils découvraient un bateau fantôme, revenu des abysses.
     
    Dan Singer écarquillait les yeux. Debout à ses côtés, Ruth avait du mal à maîtriser le tremblement qui avait envahi son corps. Était-ce l’émotion ? Ou des réminiscences de l’angoisse qui les avait tant taraudés durant ces derniers jours ? Les deux, sans doute.
    À gauche et à droite du couple, les neuf cent sept indésirables étaient accoudés eux aussi au bastingage et dévoraient du regard la côte néerlandaise qui se rapprochait lentement.
    Là-haut, sur la passerelle, le capitaine Schröder scrutait pareillement le paysage à l’aide de ses jumelles. Il est probable que l’émotion qu’il ressentait était sinon identique à celle qu’éprouvaient ses passagers, du moins presque aussi intense. La descente aux enfers semblait enfin terminée.
    Il aperçut le remorqueur qui progressait dans leur direction en fendant les flots et descendit aussitôt vers le pont inférieur, prêt à recevoir leur sauveur.
     
    La gorge nouée, Morris Troper gravit les marches de l’échelle de coupée.
    À peine eut-il posé le pied sur le pont qu’un tonnerre d’applaudissements retentit à travers le navire.
    Le capitaine lui tendit la main en déclarant avec une certaine solennité :
    « Monsieur, l’équipage au grand complet est à vos ordres ! »
    Quelques instants plus tard, il fut conduit jusqu’au grand salon où trônait toujours le portrait du Führer.
    Alignés le long des murs, les deux cents enfants du Saint-Louis avaient formé une haie d’honneur. Quand il pénétra dans la salle, fusèrent, ici et là, des «  God bless you ! » « Dieu vous bénisse ! »
    Une fois le silence revenu, la petite Liesel, la fille de Josef Joseph, s’avança vers Troper et déclama en allemand :
    « Cher monsieur Troper, à vous, mais aussi à l’ensemble de l’American Jewish Joint Distribution Committee, nous, enfants du Saint-Louis , souhaitons exprimer nos plus vifs remerciements, du plus profond de nos cœurs, pour nous avoir sauvés d’une grande misère. Nous prions Dieu qu’il vous accorde sa bénédiction. Nous regrettons beaucoup que les fleurs ne poussent pas sur le Saint-Louis , sinon nous vous aurions offert le plus grand, le plus merveilleux des bouquets [80] . »
    Tout en essayant de maîtriser les larmes qui perlaient à ses yeux, Troper souleva la fillette et la serra fort contre lui.
    Josef Joseph se présenta alors et les deux hommes se donnèrent l’accolade sous les acclamations.
    Maintenant, l’heure était venue de commencer la délicate opération qui consistait à informer chacun des passagers de la destination qu’on lui avait attribuée.
    Cinq points d’accueil furent constitués. Au centre du salon prirent place les représentants du Joint de Grande-Bretagne, de France, de Belgique et de Hollande avec Morris Troper à leur tête.
    À leur droite, le comité d’accueil belge, présidé par M lle  Blitz,
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