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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer
Autoren: Gilbert Sinoué
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ignorait, c’est qu’au moment où il raccrochait le téléphone avec Gottschalk, un homme venait de se donner la mort sur le Saint-Louis . Cet homme n’était autre que le timonier Heinz Kritsch.
    « Ce jour-là, mon meilleur timonier, Kritsch, manqua à l’appel. On l’avait aperçu pour la dernière fois près de la drisse, sur le pont arrière. Après avoir fouillé tout le bateau, on le retrouva pendu dans un réduit situé à l’avant. Dieu seul sait la raison qui l’a poussé à accomplir ce geste ! Sa mort représenta pour moi et pour la Hapag une grande perte. Rares étaient les hommes aussi qualifiés que Kritsch. Ce troisième décès me déprima au plus haut point. »
    Maintenant que la Belgique avait ouvert la brèche, il restait à Morris Troper à convaincre la France, les Pays-Bas et l’Angleterre. Le directeur du Joint était confiant. L’exemple belge ne pouvait que stimuler ces pays, sinon en éveillant leur conscience, du moins en les plaçant dans une situation embarrassante.
    Le dimanche 11 juin, Troper appela le Joint à New York et fit un compte rendu de la situation en cours.
    1. La Belgique a autorisé 250 passagers à entrer sur son territoire.
    2. Bien que n’ayant pas encore obtenu l’accord final du gouvernement français, je suis très confiant quant au résultat. La France pourrait recevoir au moins 400 passagers qui seraient installés à Tanger. Peut-être même cinq cents.
    3. J’ai entamé des pourparlers avec Mme van Tijn, Premier ministre des Pays-Bas, ainsi qu’avec le comité au Luxembourg afin d’explorer si ces pays acceptaient d’accueillir des passagers. Et à travers le HICEM [78] , le Portugal a lui aussi été sollicité.
    4. Je suggère que l’on essaye d’inclure dans le quota d’immigration [79] établi pour la Palestine et à titre prioritaire les passagers qui ne sont pas détenteurs de visas. Ils seraient environ deux cents.
    Le sort, moins tristement célèbre, des deux autres navires fut aussi évoqué. Pour l’heure, les cent passagers qui se trouvaient à bord de l’ Orduna avaient été transférés sur un autre navire, le SS Orbita , qui naviguait vers Liverpool. Quant aux quatre-vingt-seize passagers du Flandre , ils retournaient vers Saint-Nazaire.
    Lundi 12 juin, une seconde bonne nouvelle arriva au 19, rue de Téhéran, siège du Joint à Paris. Elle émanait du Premier ministre néerlandais, M me  Gertrud van Tijn.
    Cher Monsieur Troper,
    Après que vous m’avez téléphoné samedi soir pour me décrire l’affreuse situation dans laquelle se trouvaient les passagers du Saint-Louis, le professeur Cohen et moi-même avons eu une longue discussion au terme de laquelle nous avons décidé d’envoyer un télégramme au ministre de la Justice. Vous trouverez sa réponse ci-dessous.
    Nous avons aussi appelé le sénateur van den Bergh Jr, qui à son tour est intervenu auprès du ministre de la Justice, sollicitant de lui une audience pour le lendemain matin.
    De surcroît, je peux vous dire, à titre confidentiel, que des suppliques de personnalités non juives ont été envoyées directement à la reine.
    Je n’ai pas besoin de vous décrire l’immense joie qui fut la mienne lorsque j’ai reçu ce télégramme du ministre de la Justice, que j’ai traduit à votre intention :
    À PROPOS DES INFORMATIONS QUE VOUS M’AVEZ TRANSMISES ADMISSION EN HOLLANDE EST ACCORDÉE POUR 194 PASSAGERS DU NAVIRE LE SAINT-LOUIS – STOP – INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES SUIVENT CONCERNANT LES STRUCTURES D’ACCUEIL
    SIGNÉ GOSELING MINISTRE DE LA JUSTICE
    Je vous ai transmis ce message par téléphone il y a quelques minutes, mais j’estime plus sage de vous le confirmer par écrit.
    […] J’ai été ravie de pouvoir vous aider dans ce cas d’urgence, et je souhaite vous dire néanmoins que si le Joint Distribution Committee ne s’était pas engagé à prendre en charge les frais de séjour et s’il ne nous avait pas donné l’assurance quant à l’émigration des passagers vers une autre destination, je ne crois pas que je serais parvenue à obtenir le consentement du gouvernement.
    Sincèrement vôtre,
    G. van Tijn
     
    Précisons que dans un premier temps – car les choses vont sensiblement évoluer – les cent quatre-vingt-quatorze passagers que les Pays-Bas acceptaient d’héberger faisaient partie des passagers qui ne possédaient pas de visas d’immigration. On comprend dès lors la dernière remarque du Premier ministre
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