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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer
Autoren: Gilbert Sinoué
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maritime chargée de les transporter.
    Le 17 novembre 1938, en promulguant le décret n° 2507, le gouvernement cubain a apporté une clarification supplémentaire quant au statut des futurs réfugiés européens. Ce décret précise : « La République cubaine se réserve le droit de sélectionner parmi les émigrants ceux qui seraient les plus aptes à participer au développement de la population, de son industrie et de son commerce. »
    Le 15 janvier 1939, le décret n° 55 a annulé le versement de cinq cents dollars préalablement exigé, dans le cas où les arrivants n’étaient que des touristes et des personnes en possession d’un visa cubain.
    Depuis la promulgation de ce décret, la plupart des réfugiés qui ont l’intention, une fois à La Havane, d’entamer des procédures en vue de l’obtention d’un visa d’entrée aux États-Unis s’inscrivent d’office en tant que personnes « voyageant uniquement pour leur plaisir ». Néanmoins, afin d’obtenir ce visa touristique, il leur faut s’acquitter d’une somme « non officielle », laquelle varie de cent à cent cinquante dollars, à quoi s’ajoutent trente-cinq dollars « pour les frais de présence à Cuba » et diverses autres « redevances » en cas de renouvellement du permis de séjour. En échange de quoi, un document signé par le colonel Benitez Gonzalez leur est remis. En voici copie :
    « En accord avec les dispositions du paragraphe (a) de l’article 4 du décret n° 55, daté du 15 janvier 1939 et du paragraphe 3 du décret n° 2507 du 17 novembre 1938, ce bureau vous autorise l’entrée et le séjour à Cuba, le temps qu’il vous sera nécessaire, en qualité de touriste, à l’obtention d’un visa d’immigration pour les États-Unis d’Amérique ou pour tout autre pays. “M… assure ne souffrir d’aucune maladie ou affection et s’engage à ne pas travailler sur le territoire national”. »
    Selon des informations vérifiées, entre le 1 er  juillet 1938 et le 16 janvier 1939 (date à laquelle le décret n° 55 est entré en vigueur), un montant de 544 467 dollars a été déposé sur le compte du Trésor cubain. Et d’après un journal de La Havane, depuis le 25 février 1939, 222 563 dollars supplémentaires ont été versés en faveur de 440 réfugiés juifs, dont la plupart n’ont pas encore débarqué.
    […] Les exigences financières « non officielles » imposées représentent une lourde dépense, tant pour les réfugiés que pour ceux qui leur apportent leur soutien. La plupart du temps, ces ponctions laissent leur victime quasiment sans ressources. D’autre part, rien ne peut assurer, en cas de changement dans l’administration cubaine, que ces autorisations de séjour seront respectées par le successeur de Manuel Benitez Gonzalez. […] À propos de l’opinion cubaine vis-à-vis de l’immigration : […] Dans un éditorial publié le 21 janvier 1939, le principal quotidien de La Havane Diario de la Marina faisait observer que le Venezuela qui, lui, n’est pas endetté, et possède de vastes espaces et d’importances ressources naturelles, pratique une « bonne politique d’immigration sélective » à l’égard des « Israélites victimes de persécutions raciales ». Ce même éditorial souligne que le Mexique, quant à lui, a rejeté cette catégorie d’émigrants. Il fait remarquer aussi que ces deux pays ne sont pas les seuls à agir de la sorte : de nombreuses autres nations agissent de même, les États-Unis d’Amérique en premier […].
    Le rapport développe ensuite un plan détaillé de colonisation de l’île des Pins [6] par de futurs réfugiés que Tewel évalue à environ vingt-cinq mille personnes.
    Pour bien comprendre le contenu de ce rapport, qui évoque principalement le sort de la communauté juive d’Allemagne et le devenir du Saint-Louis , il est nécessaire de remonter le temps. Revenons au 12 mars 1938. C’est à cette date que les troupes allemandes entrent dans Vienne. Le 10 avril, plus de 99 pour cent des Autrichiens approuvent l’Anschluss. Le « Grand Reich » est né. Les cent mille Juifs d’Autriche sont pris au piège, comme le sont leurs coreligionnaires allemands depuis l’instauration des lois de Nuremberg, en 1935. À cette époque, Goebbels déclare : « On raconte que les Juifs de Vienne se suicident en masse. Ce n’est pas vrai. Le nombre total de suicides n’a pas varié. Une seule
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