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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer
Autoren: Gilbert Sinoué
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plus le droit de se marier avec des Aryens, plus le droit de porter le drapeau allemand. Le 15 novembre, le gouvernement promulgua la première définition officielle du Juif : « Est juif quiconque a deux grands-parents juifs et se déclare membre de la communauté juive. » En avril 1938 fut décrété l’enregistrement obligatoire de tous les biens et propriétés juifs en Allemagne. En août, Adolf Eichmann créait le bureau d’expulsion juif à Vienne afin d’accélérer le processus. Le 5 octobre, à la requête des autorités suisses, l’Allemagne apposait un «  J  » sur les passeports appartenant aux Juifs, et ce, afin de réduire leur émigration vers la Suisse. Le 28 octobre, dix-sept mille Juifs polonais vivant en Allemagne étaient expulsés. Et pour finir, en novembre, la nuit de Cristal.
    Partir, songea Singer, il devait partir au plus vite. Fuir cet environnement où sourdait l’horreur. Voilà cinq ans qu’il luttait contre l’idée de tout abandonner. Il était né dans ce pays. De même que son père, son grand-père et son arrière-grand-père. Il n’avait jamais connu une autre terre que celle-là. C’était la sienne. Sa terre. Il y avait construit sa vie.
    Partir… Mais où aller ?
    L’Amérique… Certes. Son cousin Max vivait à New York. Mais l’Amérique, à l’instar de la plupart des nations occidentales, avait limité l’accès aux réfugiés en imposant des quotas. Depuis l’avènement de Roosevelt, le pays connaissait une situation critique. La crise économique avait miné les finances, créant plus de douze millions de chômeurs, contraignant la nation à un repli sur soi. Un isolationnisme qui avait été confirmé trois ans auparavant, en 1935, par ce que l’on avait appelé l’« Acte de Neutralité ». Les États-Unis affirmaient ainsi qu’ils n’avaient aucunement l’intention de s’immiscer dans les problèmes du monde, plus particulièrement ceux de l’Europe.
    La Grande-Bretagne ? Empêtrée au Moyen-Orient, elle avait grandement restreint l’immigration juive en Palestine et elle-même abritait déjà près de vingt-cinq mille réfugiés. Il n’était pas question d’accepter un émigrant de plus, surtout si celui-ci arrivait d’un pays – en l’occurrence l’Allemagne – qu’elle risquait fort d’avoir à affronter militairement.
    La France ? Submergée par la vague de réfugiés qui avaient fui la guerre civile d’Espagne, elle avait annoncé qu’elle avait atteint un point de saturation.
    Où aller ? Car Singer n’était pas le seul à vouloir fuir. Sur les quatre cent mille Juifs qui demeuraient encore en Allemagne, un grand nombre d’entre eux éprouvaient le même désir. Qui voudrait d’un peuple d’émigrés ?
    L’Amérique…, se dit à nouveau Singer. Malgré la décision du gouvernement de prendre ses distances vis-à-vis du monde, ce pays restait disposé à accueillir vingt-six mille émigrants allemands par an. Seulement voilà : combien de Juifs parmi eux ? Vaste question à laquelle l’Américain moyen, le « col bleu », avait déjà répondu par la voix de son porte-parole, le révérend Charles E. Coughlin. Tous les dimanches après-midi, sur une station de radio appartenant au réseau CBS, pour un auditoire composé de plus de quinze millions d’auditeurs, ce prêtre d’origine canadienne, surnommé « le père de la haine », prêchait ouvertement en faveur des thèses nazies. Il recevait près de quatre-vingt mille lettres de soutien par semaine et des dons de diverses organisations qui adhéraient aux idées du Führer. À New York, un certain Fritz Kuhn, émigré allemand, tenait le même discours devant un parterre de fanatiques rassemblés dans l’enceinte du Madison Square Garden.
    Où aller ?
    Roosevelt avait lancé un appel au monde afin que l’on trouvât un endroit « où seraient admis les réfugiés juifs en nombre presque illimité ». Madagascar ! avait proposé Hitler. Roosevelt avait écrit à Rome et suggéré l’Éthiopie, alors sous mandat italien. Les vastes territoires de Russie, avait alors répliqué Mussolini. La Russie avait surenchéri : Pourquoi pas l’Alaska ? Roosevelt proposa alors l’Angola, colonie portugaise. Le Portugal refusa, suggérant qu’il existait bien d’autres régions d’Afrique « plus appropriées ». En désespoir de cause, Roosevelt évoqua l’Afrique centrale. D’autres mentionnèrent la vallée de l’Orénoque au
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