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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer
Autoren: Gilbert Sinoué
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Paris. Il s’appelait Herschel. Il n’avait pas dix-sept ans. Ses parents avaient réussi à le faire sortir d’Allemagne deux ans plus tôt. Il espérait obtenir des autorités françaises un permis de séjour temporaire ; permis qui lui avait été refusé.
    Lorsqu’il apprit la nouvelle de la déportation de sa famille, Herschel sentit le monde vaciller et il dut se dire, comme Jakob Felton, « Pourquoi, Adonaï ? ».
    Dix jours plus tard, le 7 novembre, sa décision était prise. Il se procura une arme. Il fallait tuer. Il fallait vider sa désespérance.
    Il traversa Paris dans le petit matin et se campa devant le bâtiment qui abritait la délégation allemande.
    Tuer. Certes. Mais tuer qui ? lequel ? combien d’entre eux ?
    Herschel entra dans l’ambassade. Presque aussitôt, il se trouva face à un homme qui traversait le vestibule.
    Il sortit son revolver. Sa main ne tremblait pas. Il tira. L’homme s’écroula, touché en pleine poitrine.
    Il s’appelait Ernst von Rath. Il occupait la fonction de troisième secrétaire. Mais cela, Herschel ne le sut que plus tard. Une fois arrêté et menotté.
    À l’annonce de cet acte, l’éclat de rire de Goebbels résonna jusqu’à la Porte de Brandebourg. Il tenait son prétexte. On allait enfin pouvoir mener une opération de grande envergure contre ces Juifs qui empestaient l’air aryen. C’est ainsi que commença la nuit de Cristal.
    La réaction (apparente) du monde fut immédiate. L’Allemagne fut traitée de « nation barbare ». On rapporte que la propre femme de Himmler entendit son mari au téléphone dire son fait au ministre de la Propagande : « Étes-vous fou, Goebbels ? Quel gâchis ! Nous avons honte d’être allemands. Nous perdons tout notre prestige à l’étranger. J’essaie par tous les moyens de conserver les richesses de la nation, et vous, vous les jetez par les fenêtres. Si cela ne cesse pas immédiatement, je vous plante là, et vous pourrez rester dans votre merde ! »
    Hitler, lui, fit mine de ne rien savoir de la nuit de Cristal et joignit sa voix aux autres plaintes. Faux. Le soir même du pogrom, au cours d’un repas, alors qu’il se vantait d’avoir bluffé les Français et les Anglais à Munich, un aide de camp se pencha à l’oreille de Goebbels qui se retourna et marmonna quelques mots au Führer. Selon un témoin présent au dîner (Fritz Hesse), il devint clair pour chacun que le ministre de la Propagande confiait au Reichmarschall qu’une attaque massive venait d’être déclenchée sur ses ordres contre les boutiques juives et les synagogues. Toujours selon Hesse, il n’y eut aucun doute que le Führer approuvait, car « dans son enthousiasme, il poussa des cris perçants et se flanqua de grandes claques sur les cuisses ».
    Le 12 novembre, soit quatre jours après la funeste nuit, Goering, qui avait protesté contre les destructions de biens pour des raisons strictement économiques, convoqua un Conseil des ministres afin de décider qui « paierait la casse ». Il annonça qu’une lettre de Bormann lui avait été envoyée sur ordre de Hitler, dans laquelle il exigeait que la question juive fût réglée « maintenant, une fois pour toutes et dans son ensemble ». Le Führer lui avait même téléphoné la veille de la réunion, l’enjoignant de prendre « des mesures décisives et coordonnées ». Encouragés par ces directives, les ministres tombèrent d’accord pour que ce soient les Juifs eux-mêmes qui payent. Une « amende » d’un milliard de marks leur fut donc imposée « pour les dégâts occasionnés lors de la nuit de Cristal ».
    « Je n’aimerais pas être un Juif en Allemagne ! » s’exclama Goering, en mettant fin au débat.
    Le Führer, de son côté, se contenta de déclarer à l’intention des puissances étrangères qui manifestaient une inquiétude grandissante quant au traitement réservé aux Juifs : « Puisque leur sort les préoccupe tant, qu’elles les prennent donc en charge ! »
    Quelques mois plus tard, le 21 janvier 1939, il déclara au ministre des Affaires étrangères tchécoslovaque, Chvalkovsky : « Aucune garantie allemande ne sera accordée à un État qui ne se débarrasserait pas de ses Juifs. La mansuétude de notre part a été pure faiblesse et nous la regrettons, il faut détruire cette vermine. Ce sont nos ennemis jurés et il n’en restera pas un en Allemagne, à la fin de cette année. Ils n’échapperont
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