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Remède pour un charlatan

Remède pour un charlatan

Titel: Remède pour un charlatan
Autoren: Caroline Roe
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CHAPITRE PREMIER
     
    18 août 1353
     
    — Combien y a-t-il ? murmura d’un air vague l’homme maigre, d’allure ascétique, comme si une telle préoccupation était indigne de lui.
    Il portait la sobre tunique noire d’un prêtre ou d’un lettré et ne semblait pas à sa place dans le cadre médiocre de cette taverne.
    — On a bien travaillé. Il est temps de s’en aller vers le sud.
    Dehors, Gérone vivait au ralenti et attendait patiemment la fraîcheur du soir. La salle était sombre et close, son atmosphère encore épaisse du souvenir du vin renversé et des buveurs partis depuis déjà longtemps. Pas un souffle d’air ne pénétrait par les volets : des mouches bourdonnaient paresseusement comme si elles n’avaient pas le cœur à l’ouvrage. Rodrigue, le tavernier, suait et somnolait dans un coin, indifférent à ses uniques clients.
    — Tu appelles cela bien travailler ? dit l’autre d’un air méprisant en agitant devant le visage de son compagnon une bourse emplie de pièces. Écoute, Guillem, mon pauvre ami. Un bon jour, tu rapportes assez pour une chambre et une assiette de soupe.
    — Ça n’a pas été aussi mauvais que tu le dis ! protesta Guillem.
    — Je te parle d’or, imbécile. D’or, oui. Assez pour vivre comme un seigneur.
    — Tu es fou, dit Guillem. Gérone regorge peut-être de marchands repus et d’épouses parées de soie, mais ils ne gaspillent pas leur or à des broutilles.
    — C’est vrai. En conséquence, il y en aura plus pour nous.
    — Et comment allons-nous mettre la main dessus ? fit-il en secouant la tête d’un air dubitatif.
    — Cela ne te regarde pas. Je sais qui en a et comment se le procurer.
    Guillem se pencha vers lui.
    — Tu es sérieux ? demanda-t-il, surpris.
    Il enchaîna sans laisser le temps à son compagnon de lui répondre.
    — Il y a quelque danger ?
    L’autre lui adressa un long regard oblique.
    — Ce n’est pas un crime que de voler ce qui a déjà été volé, dit-il.
    Le lettré se mordit la lèvre supérieure en un geste nerveux qui irrita son compagnon.
    — Comment allons-nous faire ? demanda-t-il enfin.
     
    Septembre
     
    — Maman ? appela Miriam.
    — Qu’est-ce que tu veux ? répliqua Judith, épouse d’Isaac le médecin.
    De nature, ce n’était pas une femme d’une patience à toute épreuve, et celle-ci était déjà bien entamée en cette matinée. L’été ne déclinait pas encore, et elle avait chaud sous son voile noir. Les passages ombragés et les ruelles voûtées du Call, le prospère quartier juif de Gérone, ressemblaient à une immense étuve réchauffée par le soleil qui tapait, implacable, sur les brumes nées de la rivière. En nage, elle haletait pour remonter la rue.
    Sa servante, Leah, s’était plainte de maux de tête et s’était mise au lit. Naomi, la cuisinière, était enfermée dans sa cuisine, brisant avec fureur pots et assiettes, et Miriam se traînait derrière sa mère en demandant qu’on s’occupe d’elle. La maisonnée si bien organisée de Judith craquait de toute part.
    C’était la faute de son mari. Isaac, en temps normal le plus aimable des hommes, avait passé la quasi-totalité de la nuit auprès d’un enfant malade, et sa propre patience en avait pris un coup. Affamé, assoiffé, il était arrivé pour déjeuner. Judith lui avait choisi une belle poire bien mûre et l’avait placée sur une assiette à côté d’un petit pain appétissant.
    — Il n’y a rien d’autre ? avait-il demandé. Dois-je donc jeûner parce qu’il fait un peu chaud ?
    Naomi pénétra dans la cour alors qu’il parlait, et le bâton d’Isaac manqua le sein de sa cible, son épouse, pour s’enfoncer dans le cœur vulnérable de la cuisinière.
    — Papa, murmura Raquel, Naomi est là, juste à côté de nous.
    Furieux de la bourde que sa cécité avait provoquée, Isaac avait brusquement quitté la table, renversant au passage une cruche d’eau, et s’était retiré dans son cabinet. Piquée au vif, Naomi s’était barricadée dans sa cuisine avant que ses préparatifs ne transforment en enfer la solide bâtisse de pierre. Leah étant couchée et le valet de cuisine occupé à nourrir le feu, la cuisinière avait transformé Ibrahim, le serviteur, en garçon de course. Mais quand il reçut l’ordre de se rendre pour la troisième fois au marché, l’indifférence flegmatique qui le caractérisait disparut aussitôt. Bouillonnant d’une juste colère, il se
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