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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable
Autoren: Michel de Decker
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discrétion, pudeur effarouchée ? Non certes. À quoi songeait-il donc ? La comtesse du Barry le voulut savoir incontinent.
    — Qu’avez-vous à ne rien dire ?
    La réponse fut immédiate :
    — Ah ! Madame, il y a que je fais une réflexion bien mélancolique.
    — Quoi donc ?
    — Eh bien, je songe que Paris est une ville dans laquelle il est plus facile d’avoir des femmes que des abbayes.
    Et il paraît que le soir même, pendant qu’elle était à sa toilette et qu’elle jetait des bouts de phrase par-dessus son épaule blanche et ronde au roi qui l’écoutait en la buvant des yeux, elle en vint à citer la piquante réflexion de son invité de l’après-midi.
    Et on dit aussi que ce bon mot ne serait pas tombé dans l’oreille d’un sourd. La preuve en fut qu’avant que la vérole – la petite, c’est-à-dire la variole – ne le terrassât pour le compte, Sa Majesté le Bien-Aimé n’omit point de faire inscrire le nom de Charles Maurice sur la liste des prébendes.
    En lui réservant l’abbaye de Saint-Denis-de-Reims qui était copieusement rentée.
    Mais encore fallait-il qu’il acceptât de devenir un sous-diacre pensionné à dix-huit mille livres !
    Parce que le samedi 1 er  avril de 1775 (un 1 er  avril, ça ne s’invente pas !), c’est-à-dire la veille de quitter les ordres mineurs, il était d’une humeur de chien, le fils aîné de Charles Daniel et de Victoire Éléonore. Henri de Béthizy, un camarade de promotion qui deviendra évêque d’Uzès, a pu en témoigner.
    — Tour à tour, dit-il, il menaçait, pestait ou mouronnait : « Ils veulent faire de moi un prêtre. Eh bien ! vous verrez qu’ils feront de moi un sujet affreux. Mais comme je suis boiteux, il n’y a pas moyen de se soustraire à ma destinée. »
    Et il aurait même ajouté :
    — On me force d’être ecclésiastique, on s’en repentira !
    Contrarié ou non, le nouvel abbé de Périgord ne manqua pas se rendre à Reims, deux mois plus tard, pour assister au sacre de Louis XVI.
    — Nous régnons trop jeune, mon Dieu ! s’était exclamé le successeur de Louis XV, le 10 mai de 1774, en apprenant que la Camarde variolée venait de faucher son grand-père.
    Il s’était alors jeté dans les bras de Marie-Antoinette, sa jeune épouse, et ils avaient pleuré à gros bouillons.
    Et aujourd’hui, un an après, l’un et l’autre sont là, dans la cathédrale de cette vieille cité où, depuis le baptême de Clovis, à quelques exceptions près (on songe à Henri IV, notamment, qui fut contraint de se faire couronner à Chartres) tous les rois avaient connu le rituel du sceptre, de la main de justice, de l’épée dite la Joyeuse, des éperons, des sandales, de la tunique, de la camisole, de la dalmatique étouffante, du manteau de satin bleu azuré, de la sainte ampoule et l’épreuve de la couronne de Charlemagne lourdement chargée d’émeraudes et de rubis.
    — Elle me gêne, grommela Louis XVI, au moment où monseigneur de la Roche-Aymon, le très vieil et tremblotant archevêque de Reims, la plaça sur sa tête.
    Jadis, Henri III avait murmuré :
    — Elle me pique.
    Et durant tout ce temps-là, Charles Maurice s’ennuyait !
    Il l’avoua, d’ailleurs : il trouva le temps si long que, pendant que les hérauts d’armes dispensaient les médailles du sacre, et que les courtisans se distribuaient des coups de coude, pendant que les évêques et le choeur entonnaient des litanies interminables, que l’envoyé de Tripoli beuglait comme un veau parce que son voisin lui écrasait le pied, lui, il n’avait d’yeux que pour la vicomtesse de Laval, si blanche de peau, pour la pulpeuse duchesse de Fitz-James, aussi, et enfin pour la duchesse de Luynes qui avait un air si coquin.
    Sans doute s’imaginait-il déjà leur faisant mille caresses.
    S’il brillait par sa clairvoyance, Charles Maurice n’était pas devin. Dommage. S’il l’avait été, il aurait alors pu monter en chaire afin de faire frémir toutes les têtes royales, princières ou ducales qui étaient regroupées sous les hautes voûtes rémoises. Il aurait pu annoncer que le roi fraîchement couronné connaîtrait bientôt l’échafaud et qu’il serait suivi de près par sa femme et sa soeur ! Il aurait pu apprendre au grassouillet comte de Provence (le futur Louis XVIII) qu’il serait exilé à deux reprises. Au chapitre des mauvaises nouvelles, le comte d’Artois, ce grand dandy un peu dadais (le futur
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