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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable
Autoren: Michel de Decker
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Charles X), aurait su qu’il serait appelé à fuir la France par trois fois, qu’il perdrait son trône, que son fils, le duc de Berry, mourrait poignardé et que sa race s’éteindrait avec son petit-fils, le comte de Chambord. Il aurait aussi prédit au duc d’Orléans, le cousin de Louis le seizième, que son col, devenu celui de Philippe Égalité, serait lui aussi tranché par la lame bien affilée du docteur Guillotin ; que le prince de Condé se pendrait dans une dernière extase à la fenêtre de son château de Saint-Leu et que son fils, le duc d’Enghien, serait exécuté dans un fossé du fort de Vincennes.
    S’il avait pratiqué l’art divinatoire, Talleyrand aurait-il eu le courage de prédire à cette jeune princesse un peu candide qui se trouvait là, non loin de lui dans la nef, cette jolie blonde qui était fraîche à croquer, que l’on savait veuve du prince de Lamballe et qui passait pour être l’amie intime de Marie-Antoinette, aurait-il eu le coeur de lui raconter qu’elle était appelée à connaître le plus affreux des calvaires et qu’un matin de septembre de 1792 son corps serait atrocement souillé et mutilé par la populace ?
    Tous, ou presque, tous ceux qui assistaient à la cérémonie du sacre, tous ces hommes en habits chamarrés, toutes ces femmes en toilettes rares brodées et rebrodées d’or étaient en effet bel et bien promis à un tragique avenir. Ce jour-là, un prophète aurait pu l’affirmer, chacun et chacune étaient déjà guettés par les échafauds sanglants de Robespierre.
    Mais pas Charles Maurice !
    Car il sera aussi habile à traverser les différents régimes politiques qu’à se déplacer dans les salons peuplés de jolies dames.
    Sur lesquelles, malgré son pied de guingois, il exercera toujours un irrésistible pouvoir de séduction.
    Mais il est vrai qu’il avait très vite appris à dissimuler sa boiterie. En sachant évoluer lentement, presque avec indolence. En prenant le temps de jouer les charmeurs détachés quand une première invitée lui souriait. En s’inquiétant de la santé de la deuxième si elle affichait un air trop grave pendant qu’il lui baisait la main. Avec la troisième, qui manifestement jalousait un peu la précédente, il n’hésitait pas à faire de l’esprit. Un brin de cynisme courtois.
    — Votre voisine est d’une rare maigreur, vous ne trouvez pas ? Et quel décolleté, mon Dieu ! En vérité, il est impossible de plus découvrir et de moins montrer...
    L’habile homme !
    Et les trois délicates créatures aperçues dans la cathédrale du Sacre n’ont pas été longues à succomber.
    La vicomtesse de Laval, pour commencer. Elle s’appelait Catherine Jeanne Tavernier de Boullongne, cette femme de vingt-sept ans qui était entrée dans l’illustre famille des Montmorency en épousant le vicomte Paul Louis, un colonel du régiment d’Auvergne. Elle était riche et belle. Belle, parce que la nature l’avait voulu ainsi ; riche, parce que son père, de très petite extraction, avait réalisé une énorme fortune en gérant les affaires du maréchal de Saxe. La vicomtesse aimait l’amour, Talleyrand aima la vicomtesse. Sensuellement, pendant un temps ; intellectuellement pendant très longtemps.
    — Voulez-vous vraiment que l’on vous aime ? lui avait un jour demandé la frivole vicomtesse.
    — Non !
    — Alors soyez méchant avec esprit. Vous serez craint et respecté.
    — La liste des aventures de cette dame était fort longue, cancane Aimée de Coigny, car il était notoire qu’elle changeait d’amant presque autant que d’années...
    La duchesse de Fitz-James aussi – Marie-Claude Thiard de Bizy – a su lui ouvrir les portes d’un ciel que n’étaient pas accoutumés d’entrevoir les Saint-Sulpiciens. Mais aussi, que Dieu pardonne à la duchesse ! N’avait-elle pas connu l’enfer avec un mari, libertin consommé, qui l’avait trompée à grands tours de bras à l’occasion de toutes les soirées scabreuses que donnait Philippe d’Orléans, son suzerain et maître en immoralité ? Quoi d’étonnant, alors, à ce qu’elle ait pris plaisir à se consoler de ses infortunes conjugales dans les bras d’un jeune homme au nez si insolent !
    Mais la troisième des rencontres de Reims fut peut-être la plus piquante. Née Montmorency-Laval, elle aussi – car cette famille est décidément présente dans toute l’histoire de France ! –, Élisabeth Josèphe avait été
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