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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable
Autoren: Michel de Decker
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mariée, dans la treizième année de son âge, au gros duc de Luynes et de Chevreuse, un garçon qui était aussi épais que désagréable. Il était en effet obèse au point qu’on avait dû échancrer sa table pour qu’il pût loger son énorme abdomen.
    — C’est une masse de chair qui s’endort dès qu’on la pose quelque part, raconte un témoin irrespectueux.
    On imagine la nuit de noces !
    Épais et gras, il était aussi méchant et teigneux. À tel point même que, n’en pouvant plus d’être écrasée et méprisée, son épouse alla un jour jusqu’à lui proposer un combat singulier à l’arme blanche.
    — Je vais me battre en duel avec ce gros porc et vous serez mon témoin, proposa-t-elle à Charles Maurice.
    — Non, ma chère, lui répondit-il. Ce serait une joute par trop inégale : la cible est telle que vous ne pourriez la manquer.
    Quand, devenu vieux, il trouvera un peu de temps pour se consacrer à la rédaction de ses Mémoires , Charles Maurice se souviendra de tous ces épisodes pittoresques qui avaient jalonné sa jeunesse :
    — C’est du sacre de Louis XVI que datent mes liaisons avec plusieurs femmes que leurs avantages, dans des genres différents, rendaient remarquables et dont l’amitié n’a pas cessé un moment de jeter du charme sur ma vie.
    — Oui, sourira le comte de Saint-Aulaire, cet homme-là fut véritablement marqué par le beau sexe et surtout modelé par les femmes qu’il connut dans son adolescence. Femmes d’esprit, incrédules, libertines, elles marquèrent d’une empreinte indélébile son esprit encore flottant. Mais s’il était dans leurs bras et à leurs pieds, il ne fut jamais dans leurs mains.
     
    Reims, le couronnement, les oeillades lancées aux trois plus jolies femmes du moment. Nous étions en avril de l’an 1775. Cinq mois plus tard, le jeune Louis XVI confirme à Charles Maurice la donation de l’abbaye de Saint-Denis. À Reims, toujours. Avec 18 000 livres de bénéfice à la clef, soit 23 000 euros !
    — Ce fut un moment fort doux lorsque je palpai mon premier argent.
    Un argent palpé dans l’oisiveté.
    Car c’était cela, l’Ancien Régime. Si on avait la chance de naître la cuillère d’argent dans la bouche et de s’endormir dans un berceau doré à l’or fin, on se réveillait blasonné, doté et renté, et pour peu qu’on s’avérât intelligent et charmeur, le carnet d’adresses de la famille faisait le reste.
    Mais si on boitait bas du pied droit, il convenait tout de même de mettre un peu de bonne volonté.
    De mener à bien une licence de théologie, sur les bancs de la Sorbonne par exemple, diplôme que Charles Maurice décrocha haut la main, le 2 mars de l’an 1778.
    Avant d’être définitivement ordonné prêtre, le 17 septembre de l’année qui suivit.
    Car c’est ce jour-là qu’il sauta le pas, qu’il effectua la grande culbute et que le ver fut dans le fruit.
    Après avoir déclaré à son ami Choiseul-Gouffier :
    — Il est trop tard, il n’y a plus à reculer.
    — Promettez-vous respect et obéissance à votre évêque ? lui demanda monseigneur de Grimaldi, comte de Noyon, en lui prenant les mains.
    — Je le promets, répondit-il dans un souffle.
    Un souffle qui n’était sans doute pas très divin !
    Car on peut être sûr qu’il envisageait déjà de jeter un jour sa soutane par-dessus les moulins. Mais pas avant d’avoir obtenu un évêché avec pignon sur rue et engrangé quelques dizaines de milliers de livres.
    Par tous les moyens !
    En se faisant nommer par son oncle député de la province de Reims, par exemple, et en guettant la place d’agent général du clergé qui finirait bien par être vacante.
    Agent général du clergé !
    Autant dire ministre des Finances de l’Église ! Talleyrand ne doutait donc de rien ?
    Hormis peut-être de l’existence de Dieu.
    Mais avant d’obtenir ce portefeuille, il regagne d’abord la Sorbonne pour y suivre quelques études de théologie.
    — Je suis enclin à penser que la théologie est la véritable école de la diplomatie, confiera-t-il plus tard. Des preuves ? N’est-ce pas le cardinal d’Ossat qui, malgré les intrigues des puissances rivales, réconcilie Henri IV et la cour de Rome ? N’est-ce pas le cardinal-chancelier Duprat qui négocie le concordat avec Léon X ? N’est-ce pas le cardinal de Polignac qui, après de grands revers, sauvegarde par le traité d’Utrecht l’intégrité de la
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