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Spartacus

Spartacus

Titel: Spartacus
Autoren: Max Gallo
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l’avant-garde des légions du proconsul de Thrace, Marcus Varro Lucullus, qui venaient de débarquer à Brundisium.
    Cette route-là était donc coupée pour les esclaves de Spartacus.
    J’en avertis Crassus. Ses réponses furent impérieuses : je devais prendre de vitesse les légions de Lucullus. C’était à lui, Crassus, de remporter la victoire. Il fallait que je me dirige avec mes légions vers le port de Petelia, sur la mer Ionienne, là où Spartacus avait rassemblé ses forces.
    Il faut courir à eux, écrivait le proconsul. Ne garder vivant que Spartacus. Je veux le mettre en cage et le montrer aux sénateurs et au peuple de Rome le jour de mon triomphe.
    Légat, dis à tes légions que je n’accepterai que leur victoire ou leur mort !
     
    Nous avons donc marché vers Petelia et cette mer que j’apercevais parfois du haut des collines, aussi bleue que le ciel.
    Puis la voie que nous suivions s’est enfoncée entre deux versants escarpés et la mer a disparu. Nous étions dans les gorges du Bruttium.
    J’ai vu, à quelques centaines de pas devant nous, les derniers rangs de la troupe des esclaves, et j’ai commandé qu’on prenne le pas de charge.
    Les centurions ont fait battre les tambours à un rythme rapide. Les trompettes ont sonné avec éclat. Les chiens paraissaient à portée de javelot.
    Mais je n’ai saisi que le vide.
    Les fuyards avaient disparu. Peut-être avaient-ils escaladé les versants des gorges et s’étaient-ils réfugiés sur les hauteurs.
    La chaleur, dans ce défilé rocheux, était déjà accablante, l’air stagnant. J’entendais la respiration haletante des soldats qui, après leur course, se tramaient, tête baissée. Et j’apercevais près de moi les visages empourprés de mes licteurs.
    J’ai retenu mon cheval pour qu’il avance au pas.
     
    Et, tout à coup, surgissant comme une vague de boue, la déferlante des esclaves s’est précipitée sur nous, conduite par ce cavalier dont la cape volait et en qui je reconnus Spartacus.
    Les aboiements de ces chiens enragés nous enveloppaient. L’écho de leurs cris, comme le reflux de la vague, nous prit à revers. Et des versants roulèrent des blocs, cependant que les pierres des frondeurs jaillissaient de toutes parts, grêle meurtrière qui rebondissait sur les casques, les cuirasses des centurions, renversant les hommes dont la plupart étaient déjà couverts de sang.
    Mes licteurs n’étaient plus que des corps étendus autour de mon cheval et je vis se ruer sur moi des dizaines de chiens hurlant : « Le légat ! Le légat ! »
     
    Mon cheval s’est effondré. J’ai réussi à me remettre debout, à repousser avec mon glaive ces chiens qui ne craignaient pas la mort et que je tuais alors que d’autres surgissaient aussitôt pour les remplacer.
    Un épieu m’a frappé à l’épaule et j’ai senti la chaleur du sang couler sous ma cuirasse, contre ma poitrine.
    J’ai reculé. Centurions et soldats refluaient. Un coup de glaive m’a cisaillé la cuisse et je suis tombé.
    L’heure de mourir était venue.
     
    J’ai vu une ombre immense cachant le ciel.
    Le cheval était au-dessus de moi, jambes dressées. Penché sur l’encolure, Spartacus me visait avec son javelot.
    — Je te laisse une seconde fois la vie sauve, a crié Spartacus. Respecte ton serment !
    Du poitrail de sa monture il a repoussé les esclaves qui s’apprêtaient à me tuer.
    L’un d’eux a lancé son javelot dont j’ai senti la pointe me déchirer la base du cou. Et, à nouveau, la tiédeur du sang s’est répandue sur ma peau.
    D’un coup de glaive, Spartacus a frappé l’homme.
    J’ai senti des mains qui me saisissaient. J’ai reconnu la voix des centurions qui me soulevaient, m’emportaient.
    Les cris et le choc des armes se sont estompés et je n’ai plus vu le ciel.

 
     
61
    — J’ai vu Spartacus sauver une seconde fois la vie du légat, a murmuré Curius.
    Il parlait lentement, d’une voix étouffée, le buste penché en avant, la tête baissée, donnant l’impression qu’il allait s’affaisser d’un instant à l’autre, tant son accablement et sa fatigue étaient grands.
    Plusieurs fois déjà j’avais avancé la main vers son épaule, mais il s’était braqué avant même que je l’effleure, comme pour marquer sa défiance, peut-être même le mépris dans lequel il me tenait.
    Et, cependant, c’est moi qui l’avais recueilli et caché dans une cahute à outils, sur le domaine de ce
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