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Spartacus

Spartacus

Titel: Spartacus
Autoren: Max Gallo
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bourreaux.
    Chaque jour, les premiers rangs – peut-être quelques centaines d’esclaves – étaient crucifiés, cependant que les autres attendaient que vienne leur tour, le lendemain ou au bout de quelques jours.
    J’ai su plus tard que certains essayaient de se glisser dans les premiers rangs, qu’ils suppliaient que les soldats les égorgent après les avoir cloués, afin d’abréger leur agonie, tandis que d’autres reculaient, retardant le moment où les soldats les saisiraient, les coucheraient sur la croix.
    Ceux-ci croyaient sans doute que le proconsul Licinius Crassus renoncerait à son projet de supplicier tous les prisonniers, de dresser des croix de Capoue à Rome, d’en faire ainsi l’allée de son triomphe.
    J’avais appris, en écoutant Pythias, qui l’avait côtoyé, que cet homme était un chacal obstiné et que rien ne le ferait céder. Contre son rival Pompée qui avait pourchassé et massacré une ultime bande d’esclaves et qui répétait : « Crassus a vaincu le mal, moi, Pompée, j’en ai extirpé la racine ! », il voulait à tout prix faire voir, entendre et sentir son triomphe.
     
    Les croix bordaient la via Appia, l’enfermant dans ses bras de douleur.
    Les cris ne cessaient pas, car ceux qui s’éteignaient était remplacés par d’autres, et ainsi, de Capoue à Rome, ce n’était qu’un long gémissement.
    Il n’était couvert que par les coassements des rapaces qui venaient tournoyer au-dessus des croix, ou bien par les aboiements des chiens errants qui, en sautant, tentaient d’atteindre les corps, cette chair ensanglantée d’où s’écoulaient des humeurs qui les attiraient. Les loups descendaient aussi des monts voisins, affolés, excités par cette odeur de mort qui se répandait depuis les milliers de croix.
     
    Il m’a semblé que ces croix pesaient sur moi si lourdement que j’avançais courbé comme un vieillard. Et les hommes, en ce printemps-là, m’ont paru partagés entre ceux qui se voûtaient et ceux qui, allègres, continuaient de marcher droits et raides.
    Pas un esclave, pas même un affranchi qui n’avançât sans baisser le regard vers le sol.
    Mais cela ne suffisait pas à leur épargner les quolibets, les injures, les coups dont les citoyens de Rome, et d’abord les soldats, fiers et enfin rassurés sur leur puissance, les abreuvaient.
     
    Je ne suis pas retourné à Capoue. Je n’ai plus emprunté ces chemins de terre d’où l’on apercevait, le long de la via Appia, cette forêt de croix.
    Je me suis enfermé dans la petite cellule qui m’était attribuée, à l’entrée du bâtiment réservé aux affranchis.
    Le silence m’entourait alors qu’à l’habitude je tendais l’oreille aux rumeurs de la vie, aux chants, aux rires comme aux cris de fureur.
    Mais chacun sentait que l’ombre des croix obscurcissait sa propre vie, que chaque coup de marteau dans le corps d’un supplicié était aussi une plaie en soi.
    La peur serrait les gorges comme un avant-goût de révolte.
    Je voulais, je devais dire ce qui avait été.
    Pour que les hommes se souviennent non seulement des cris de douleur, des croix dressées, de la guerre perdue de Spartacus, mais aussi de la joie d’être libre, d’échapper au sort de l’animal pour connaître l’espoir même incertain des hommes.
     
    Ô Dieu l’Unique, ô Maître de Justice, Toi qui sais et qui vois, fasse que la croix de la souffrance devienne celle de l’espérance !
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