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Sarah

Sarah

Titel: Sarah
Autoren: Halter,Marek
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Saraï ne montra sa jalousie.
Mais la jalousie la consuma comme un sarment sec.
    Quand Hagar ressentit les premières
douleurs de l’enfantement, Saraï fit venir les sages-femmes, prépara elle-même
les linges, les onguents apaisants, fit chauffer l’eau avec les herbes et
s’assura que tout allait bien. Puis elle alla se cacher tout au fond de sa
tente et se boucha les oreilles pour n’entendre ni les cris d’Hagar ni ceux du
nouveau-né.
    Pourtant, le lendemain, elle vint baiser le
front du fils de son époux que l’on appela Ismaël. Aussi longtemps qu’elle put,
elle sourit à la grande joie d’Abram brandissant le nouveau-né vers le ciel en
clamant le nom de Yhwh. Ensuite, elle quitta le campement. Des heures durant,
elle marcha droit devant elle, soulevant sa tunique afin que le vent de la
plaine apaise la fournaise de jalousie qui la consumait.
    Abram, lui, alla promener son ravissement
dans tous les horizons de Canaan, partout remerciant son dieu du fils que lui
avait donné Hagar. Mais il revint bien vite. Il abandonnait ses longues
palabres sous la tente noir et blanc pour admirer Hagar qui, tout au long du
jour, offrait ses tétons à la bouche d’Ismaël. Alors Abram se mettait à rire.
Un rire que Saraï ne lui connaissait pas et qui, bientôt, éclata à tout propos.
    Dès que cela fut possible, Abram se mit à
jouer avec son fils. Des heures durant, sous le regard attendri d’Hagar, avec
des cris, des gazouillements et encore des rires, enlacés l’un à l’autre, Abram
et Ismaël se roulaient sur les tapis, dans l’herbe sèche.
    Ils inventaient des oiseaux dans les nuages,
jouaient avec des insectes, éclataient de bonheur pour un rien.
    Nauséeuse de tous ces rires, brisée par
cette joie, Saraï cessa de dormir. Elle prit l’habitude de quitter sa tente au
milieu de la nuit pour rôder tel un fantôme. Dans l’air frais et obscur,
parfois, le feu de sa jalousie cessait de la consumer.
    Avec la rage de l’orgueil, elle s’abstint
cependant de montrer sa souffrance. Elle s’obligea à prendre Ismaël dans ses
bras, à le bercer, à respirer sa douce odeur d’enfant. Pleine de tendresse, les
yeux mi-clos, elle nichait sa tête minuscule dans son cou jusqu’à ce qu’il
s’endorme. Ensuite elle se cachait à nouveau, tremblant de fièvre, les larmes
ne pouvant pas même rafraîchir ses joues.
    Elle tint bon pendant un temps qui lui
parut infini. Elle maigrit. Sa beauté devint étrange, transparente. Sa peau,
sans se friper, devint un peu rêche, plus épaisse. Comme calcinée de
l’intérieur et terriblement irritable. Elle ne supportait plus d’être touchée,
même par les mains d’Abram.
    *
    * *
    Durant le deuxième hiver après sa
naissance, Ismaël commença à marcher, à briser les pots en riant, à balbutier
ses premiers mots. C’est ainsi qu’il vint un jour buter contre les jambes de
Saraï. Elle se pencha, comme elle en avait l’habitude, pour le prendre dans ses
bras. Ismaël repoussa ses mains, les sourcils froncés. Il la dévisagea comme
une inconnue. Le regard noir, il poussa un cri de petit fauve vorace et effrayé
avant de s’enfuir en hurlant dans les bras d’Hagar.
    Saraï se détourna comme si l’enfant l’avait
frappée.
    Cette fois, la jalousie l’embrasait
jusqu’aux os, insupportable.
    Au crépuscule, Saraï monta sur le chemin de
la colline de Qiryat-Arba. Il faisait froid, presque le gel. Sa chair brûlait
pourtant comme si on y appliquait des brandons. Elle revoyait le regard
d’Ismaël, tout ce qu’elle avait enduré depuis des saisons et des saisons, et
elle n’en pouvait plus.
    Sur le côté du chemin, elle entendit le
grondement d’un ruisseau. Il roulait en gros bouillons. Sans réfléchir, elle se
précipita dans l’eau glacée. La rivière n’était guère profonde, mais le courant
lui battit les reins tandis qu’elle s’aspergeait le ventre et le visage à
grands gestes.
    La pensée lui vint qu’elle pourrait se
tenir, ainsi, sous la morsure du froid, jusqu’à ce qu’enfin son corps cède. Que
sa beauté se brise, que l’âge l’emporte comme un fruit oublié, une branche
brisée par l’hiver.
    Oui ! Voilà ce qu’elle devait faire.
Demeurer dans le ruisseau jusqu’à ce que sa chair cède enfin ! Le courant
parvenait à user les roches les plus dures, pourquoi ne pourrait-il pas ruiner
la beauté inutile de Saraï ?
    Grelottant, elle leva les yeux vers la nuit
qui dévoilait les étoiles. Ces milliers
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