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Sarah

Sarah

Titel: Sarah
Autoren: Halter,Marek
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travers
les fines aiguilles des cèdres et les feuilles dansantes du grand peuplier, il
chauffe mon vieux corps. Je suis devenue si menue désormais que je pourrais me
vêtir de mes longs cheveux qui n’ont jamais blanchi. Un corps tout petit, mais
qui abrite tant et tant de souvenirs ! Tant d’images, de parfums, de
caresses, de visages, d’émotions et de mots que je pourrais en peupler toute la
terre de Canaan.
    J’aime cet endroit. Ici, les souvenirs
jaillissent en moi comme une cascade abreuve la rivière. L’air frais qui vient
de l’intérieur de la grotte effleure ma nuque et ma joue avec la tendresse d’un
murmure familier. Par instants il me semble que c’est là mon propre souffle,
celui que Yhwh a retenu hors de moi cette nuit.
    En vérité, cet endroit est un clou dans le
pilier du temps, pareil aux clous de poterie qui signent la présence des âmes
dans les murs splendides de ma ville, Ur.
    Il y a deux nuits j’ai reçu un autre signe
de Yhwh. J’ai fait un rêve les yeux grands ouverts. Mon souffle était encore
paisible mais mon corps rigide et froid. Dans l’obscurité de la tente, sans
même les rayons de la lune pour jouer avec les tissages des toiles, j’ai entendu
soudain le frappement d’outils de métal contre la pierre. J’ai entendu des voix
d’hommes au travail. Je me suis demandé à quoi ils pouvaient travailler, en
pleine nuit, près de la tente des mères. J’ai voulu me lever pour aller voir.
Mais avant que je puisse prendre appui sur mon coude j’ai vu. J’ai vu avec mes
yeux ce que seul l’esprit des rêves fait voir.
    Ce n’était plus la nuit mais le jour. Le
soleil illuminait la falaise blanche et l’entrée de la grotte de Makhpéla.
C’était là que travaillaient des hommes depuis la première lueur du jour. Ils
montaient des murs. Des murs solides, épais. Ils élevaient une belle façade,
ajourée d’une porte et de fenêtres. Une maison de pierre aussi splendide qu’un
palais d’Ur, d’Eridu ou de Nippur. Une demeure que j’ai reconnue immédiatement.
    Ils construisaient notre tombeau.
    Celui d’Abraham et de son épouse Sarah.
    Je serai la première à y prendre place. Mon
bien-aimé Abraham y allongera mon corps pour je puisse enfin accéder à la paix
de l’autre monde.
    Mon rêve s’est effacé. Les coups de marteau
sur les pierres ont cessé. Mes yeux se sont ouverts sur l’obscurité de la
tente. Rachel et Léa dormaient à côté de moi d’un souffle paisible.
    Cependant le sens de ce rêve est demeuré en
moi. Nous, tous ceux à qui le dieu invisible d’Abraham S’est fait connaître, ce
peuple nombreux désormais à qui Il a offert Son Alliance pour l’éternité, nous
ne connaissons que les villes de tentes, ces cités du désert, du vent et de
l’errance. Pourtant, moi, Sarah, je suis née dans une maison de trente pièces,
dans une ville qui en comptait des centaines pareilles et dont le plus beau des
temples était aussi haut que la colline de Qiryat-Arba. Les murs de son
enceinte étaient plus épais qu’un bœuf.
    Toute ma vie, alors que je suivais Abraham
dans les montagnes où naît l’Euphrate, alors que je marchais à son côté à la
recherche du pays de Canaan, et encore jusqu’en Égypte, jamais je n’ai vu de
ville aussi splendide que l’Ur de mon enfance. Et jamais je ne l’ai oubliée.
    Pas plus que je n’ai oublié ce que l’on m’y
a enseigné : que la puissance des peuples de Sumer et d’Akkad réside dans
la beauté de leurs villes, dans la solidité de leurs murs, la perfection de
leurs canaux et bassins, dans la magnificence de leurs jardins.
    Alors, lorsque le jour s’est levé, je suis
allée voir Abraham. Tandis qu’il mangeait je lui ai raconté ce que j’avais vu
en rêve.
    — Il est temps que notre peuple
construise des murs, des maisons et des villes, ai-je déclaré. Qu’il s’enracine
dans cette terre. Souviens-toi comme nous avons aimé les murs de Salem. Comme
nous avons été éblouis par les palais de Pharaon. Mais dans ce camp, dans le
camp du grand roi Abraham, l’homme qui entend la parole de Yhwh et qui sait
s’en faire entendre, les femmes tissent encore les toiles des tentes comme
elles le faisaient dans le clan de ton père Terah, aux pieds des murailles
d’Ur, dans l’espace réservé aux mar.Tu, les hommes-sans-ville.
    Abraham m’a écoutée sans me quitter des
yeux. Un sourire a fait frémir sa barbe.
    — Je sais que tu as toujours regretté
les murs de ta
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