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Sarah

Sarah

Titel: Sarah
Autoren: Halter,Marek
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avait l’impression
d’avoir été frappée avec des orties.
    Alors, de la même voix sèche et
autoritaire, la vieille tante recommença la prière. Cette fois, toutes
ensemble, les tantes reprirent la mélopée.
    Puis elles recommencèrent.
    Et Saraï comprit qu’il en serait ainsi
jusqu’à ce que son sang coule dans le vase de bronze.
    La cérémonie semblait ne pas finir. À chaque
mot que prononçait Égimé, la main de Sililli serrait les doigts de Saraï.
Soudain, une douleur froide figea ses reins, mordit ses cuisses. Elle eut honte
de sa nudité, de sa posture. Pourquoi cela durait-il si longtemps ?
Pourquoi le sang tardait-il à couler maintenant, alors que ce matin encore il
coulait avec tant d’abondance ?
    Vingt longues suppliques se succédèrent.
Enfin le vase se teinta de rouge. Les femmes applaudirent. Égimé saisit le
visage de Saraï entre ses doigts rêches et plaqua ses lèvres sur son
front :
    — C’est bien, ma fille ! Vingt
suppliques, c’est un chiffre qui convient. Nintu te trouve à son goût. Tu peux
t’en réjouir et la remercier.
    Elle saisit la coupe de bronze et le déposa
entre les mains de Saraï.
    — Suis-moi, ordonna-t-elle.
    Au fond de la chambre rouge, contre le mur
recouvert d’un torchis peint de rouge et de bleu, était dressée une statue de
terre cuite, plus grande que Saraï. La statue avait les traits d’une femme au
visage rond, aux lèvres épaisses, avec des cheveux bouclés retenus par un
cercle de métal. Une de ses mains tenait un minuscule vase, identique à celui
que portait Saraï. L’autre brandissait le ciseau de naissance. L’autel, aux
pieds de la statuette, était recouvert de victuailles autant qu’une table de
fête.
    — Nintu, sage-femme du Monde, murmura
Égimé, le front incliné, Saraï, fille de Taram et d’Ichbi, te salue et te
remercie.
    Saraï la regarda sans comprendre. Avec une
moue d’agacement, la vieille tante saisit sa main droite, trempa ses doigts
dans le sang et les frotta sur le ventre de la statue.
    — Recommence, ordonna-t-elle encore.
    Avec une répulsion qui lui fit serrer les
lèvres, Saraï obéit. Égimé prit alors le vase de bronze, renversa quelques
gouttes des menstrues dans la petite coupelle que tenait la statue de Nintu.
Lorsqu’elle se redressa, un grand sourire, comme Saraï ne lui en avait jamais
vu, éclairait son visage.
    — Bienvenue dans la chambre rouge,
fille de mon frère. Bienvenue parmi nous, future munus  ! Si j’ai
bien compris les explications embrouillées de Sililli, il semble que tu n’as
pas mangé depuis ce matin. Je suppose que tu as faim ?
    Un grand rire éclata derrière Saraï.
Sililli l’attira contre elle, l’enveloppant de ses bras. Saraï s’abandonna à
l’étreinte, trouvant un étonnant réconfort à poser sa tempe contre la poitrine
bien ronde qui l’accueillait.
    — Tu vois, murmura Sililli avec un
soupçon de reproche, ce n’est pas si terrible. Ça ne valait pas la peine de
faire tant d’histoires.
    *
    * *
    Ce soir-là, avant de la rassasier de
gâteaux, de fruits, de galettes d’orge au miel et fromage frais de brebis, on
lui offrit une tunique neuve : un fin tissage de lin et de laine :
avec des bandes noires, identique à celui que portaient ses tantes et les
servantes. On lui offrit aussi un châle pour ses cheveux. Ensuite les femmes
lui apprirent à vivre confortablement avec ses règles. On lui montra comment
confectionner de petits tampons de laine que l’on trempait dans une huile
particulière, celle dont elle avait senti l’odeur forte et un peu écœurante dès
qu’elle avait poussé la porte.
    — C’est de l’huile d’olive, expliqua
sa tante Égimé. Une huile rare et précieuse que produisent les mar.Tu, les
hommes-sans-ville. Tu pourras remercier ton père : il la fait venir pour
les femmes du roi et en soutire quelques amphores pour nous. Quand il n’y en a
plus, on utilise de l’huile de poisson plat. Crois-moi, c’est bien moins doux
et ça pue horriblement. Tellement qu’il nous faut ensuite nous tremper les
fesses toute une journée dans de l’huile de cyprès. Sinon, nos hommes,
lorsqu’ils retrouvent le chemin de notre couche, croient que nos vulves sont
devenues des paniers de pêche !
    De grands rires saluèrent la plaisanterie.
Enfin, Sililli lui expliqua comment plier le linge dont elle devait
s’envelopper l’entrecuisse.
    — Tu en changes chaque soir avant de
te coucher. Le lendemain tu les
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