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Sarah

Sarah

Titel: Sarah
Autoren: Halter,Marek
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plateau de Moriyyah. Des
holocaustes de brebis, d’agneau ou de bélier. Peut-être emmenait-il son fils
pour lui enseigner à faire l’offrande et l’associer dans sa parole avec le Dieu
Très-Haut ?
    Cependant, je repensais à sa mine grise, à
la tunique neuve d’Isaac. Le bois pour le feu de l’holocauste était dans les
sacs qui pendaient sur les côtes de l’âne. Où était le bélier, l’agneau ou la
brebis ?
    La douleur de ma respiration m’empêchait
d’aller aussi vite qu’eux. L’angoisse me coupait ce qui me restait de souffle.
Je me raisonnais, je voulais m’apaiser : « Mais à quoi
songes-tu ? C’est impossible. Pourquoi avoir même cette
pensée ? »
    Mais je l’avais.
    Quand enfin je suis parvenue au sommet de
la petite côte qui atteint le plateau de Moriyyah, je les ai découverts à cent
pas de moi.
    Isaac empilait le bois sur l’autel. Un joli
bûcher, arrangé avec soin. Abraham se tenait sur le côté, le regard perdu. Je
l’ai vu tirer de sa ceinture son long couteau et j’ai su que je ne m’étais pas
trompée.
    J’allais hurler et me précipiter.
    « Isaac ! Isaac, viens dans mes
bras ! que fais-tu, Abraham ? Es-tu devenu fou ? »
    Pas un son n’a franchi mes lèvres. Mes
hurlements étaient du silence. Je n’ai pu courir, ni même avancer d’un pas.
J’étais derrière la brisure d’une roche et une force m’y maintenait. Sous mon
regard Abraham a appelé Isaac près de lui. Il lui a caressé la joue, a pris la
corde qui nouait le bois de l’holocauste pour lui en lier les bras. Je suis
tombée à genoux dans la poussière. J’étais impuissante, avec seulement mes yeux
pour voir.
    Ô Isaac ! mon fils ! Cours, fuis,
ne tends pas les bras !
    Mais Abraham l’a soulevé, l’a porté sur le
bûcher.
    Je te hais, Abraham, comment peux-tu,
comment oses-tu ? Ton fils, ton unique fils ! Ma seule vie.
    Mais Abraham l’a fait. Il a étendu Isaac
qui ne pleurait pas, les yeux seulement étonnés. Abraham lui a caressé le
front. Il l’a embrassé et sa main qui tenait le couteau s’est écartée de sa hanche.
Lentement, le bras d’Abraham s’est dressé, la lame brillant dans son poing.
    Alors moi, Sarah, j’ai hurlé :
« Yhwh, dieu d’Abraham, écoute ma voix. La voix d’une mère. Tu ne peux
pas. Non, Tu ne peux pas demander la vie de mon fils, la vie d’Isaac. Pas Toi.
Pas le dieu de justice.
    « Écoute mon cri. Si Tu laisses
Abraham abattre son couteau, que le ciel s’obscurcisse pour toujours, que les
eaux submergent la Terre, que Ton œuvre disparaisse, se brise, comme les idoles
de Terah détruites à Harran par Abraham.
    « Il m’a fallu toute une vie pour
enfanter Isaac. Il a fallu Ta volonté, le souffle de Ta bouche pour qu’il
naisse. Quelle autre preuve de Ta puissance réclames-Tu ? En permettant à
mon vieux corps d’enfanter d’Isaac, Tu deviens pour nous tous, les femmes et
les hommes, le dieu du prodige de la vie. Ô Yhwh ! préserve cette
vie ! Qui croirait, sinon, en un dieu qui s’en prend à l’enfant
innocent ? Qui obéirait à un dieu qui propage la mort et tue le
faible ?
    « Ô Yhwh ! j’ai été jeune et j’ai
prié les dieux d’Ur qui aimaient le sang. Je leur ai tourné le dos et j’ai
vieilli près d’Abraham sans jamais voir un Juste abandonné par Toi. Tu as sauvé
Loth. Isaac vaut-il moins que les Justes de Sodome ?
    « Ta voix a vibré dans l’air, Abraham
a dit aussitôt : Je suis là ! Et il n’y a pas eu de jour sans qu’il
nous montre que Tu es notre bénédiction. Fais mourir Isaac, Tu seras notre
malédiction.
    « Qu’est-ce qu’un dieu qui tue,
Yhwh ? Quel ordre répand-t-il dans le monde ? Moi, je Te le dis, une
mère est plus puissante qu’un dieu, à ce compte-là. Il n’est rien, aucun ordre,
aucune justice qui puisse ôter l’enfant à la mère.
    « O Yhwh ! Suspends la main
d’Abraham. Jette son couteau ! Ta gloire trouvera une demeure dans mon
cœur et dans le cœur de toutes les mères de Canaan. Ne rejette pas ma prière,
pense à nous, les femmes, c’est à travers elles que Ton alliance ensemencera
l’avenir, de génération en génération. Je crie vers Toi, Yhwh : Que Ta
fidélité soit sur moi comme mon espoir est en Toi ! »
    En vérité, je ne suis pas certaine d’avoir
crié. Mais, à l’instant où j’ai lancé ma supplique, les nuages ont déversé
leurs eaux, les nuées ont donné de la voix et un bélier est arrivé en
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