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Sarah

Sarah

Titel: Sarah
Autoren: Halter,Marek
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d’étoiles que les grands dieux d’Ur,
disait-on dans son enfance, avaient immobilisées une à une. Elle se souvint du
poème appris au temps où elle était Sainte Servante, ignorante et avide de la
vie :
    Lorsque les dieux faisaient l’homme,
    Ils étaient de corvée et
besognaient :
    Considérable était leur besogne,
    Infini leur labeur…
    C’est alors que l’appel jaillit de sa
bouche, dans un hurlement qui fit tout trembler autour d’elle :
    — Yhwh aide-moi ! Dieu Très-Haut
d’Abram, aide-moi ! Je n’en peux plus. De mon ventre sec, de ma jalousie
brûlante, je n’en peux plus. L’épreuve est trop longue. Yhwh ! Tu
t’adresses à Hagar ! Tu la plains et tu l’aides, et pour moi, rien !
Rien depuis si longtemps. Tu entends la plainte de ma servante, mais moi,
l’épouse de celui que tu as désigné, moi, l’épouse d’Abram, tu m’ignores !
Oh ! comme ton silence est lourd ! Ô Yhwh ! à quoi bon être
seulement le dieu d’Abram ? Comment pourras-tu faire naître son peuple
sans faire venir la vie dans mon corps ? Comment faire un commencement si
Saraï n’est qu’une famine ? Comment peux-tu promettre un peuple et une
nation à mon époux alors que ma vie n’engendre pas la vie ? Si tu es aussi
puissant que le dit Abram, alors tu sais. Tu sais pourquoi j’ai fauté à Ur, il
y a si longtemps, avec les herbes de la kassaptu. O Yhwh, c’était pour
l’amour d’Abram ! Si tu ne pardonnes pas la faute de l’innocence et de
l’amour, à quoi bon créer tant d’espoir dans le cœur d’Abram ? O Yhwh,
aide-moi !

 
Épilogue
    Oui, c’est ainsi que j’ai crié.
    Je m’en souviens très bien. Le visage
tourné vers le ciel, les bras levés, de la douleur plein le corps, j’ai hurlé
ainsi que les lionnes hurlent à la lune : « Yhwh, aide-moi !
Aide-moi ! »
    M’adressant sans honte au Dieu Très-Haut
d’Abram. En vérité, ne croyant pas qu’il m’entende, ayant surtout besoin de
hurler.
    J’étais encore Saraï.
    Tout était dur et difficile.
    Aujourd’hui, tandis que j’attends en paix
le moment où Yhwh me coupera le souffle, ce souvenir me fait sourire. Car
voilà : Yhwh m’a entendue !
    Le ruisseau où je me glaçais n’est pas loin
d’ici. D’où je suis assise, devant la grotte qui sera mon tombeau, j’aperçois
les buissons de menthe qui en bordent la rive. Cette nuit-là, il n’y avait que
des pierres et de l’obscurité. Je suis restée si longtemps dans l’eau que
j’aurais pu en mourir. Mais non, Yhwh ne l’a pas voulu !
    Au petit jour, je suis allé voir Abram. Je
lui ai dit :
    — C’est trop dur, mon époux. Ma
jalousie est trop grande. Mais je ne veux pas te faire honte ni gâcher le
bonheur que te donne ton fils. Permets-moi de dresser ma tente là-haut, sous
les térébinthes, à l’écart de ton campement.
    J’ai hésité à lui confier que j’avais crié
le nom de Yhwh à perdre haleine. Il aurait fallu aussi que je lui raconte
comment je m’étais tenue dans le ruisseau gelé. À quoi bon ? Chacun me
trouvait déjà assez folle. Il était inutile que j’ajoute à sa peine.
    Abram m’a écoutée en silence. Maintenant
qu’Ismaël pouvait sauter sur ses genoux, que je sois près ou loin de lui ne le
préoccupait guère. Il m’a embrassée et laissée partir.
    Sous ma tente à l’écart, solitaire, sans
même une servante qui la partage avec moi, j’ai dormi enfin. Deux ou trois
jours de suite. Ne me réveillant que pour boire un peu de lait.
    Ce sommeil était bon comme une caresse. Je
me suis apaisée. J’ai même su rire de moi. Pourquoi vouloir toujours lutter,
toujours revenir sur ce qui, depuis des lustres, était déjà accompli ?
Pourquoi tant de cris, tant de drames alors qu’un enfant était né, que la
descendance d’Abram était désormais réelle ? N’était-ce pas ma
volonté ? Certes, Hagar était la mère de l’enfant. Mais était-ce si
important ? Bientôt Ismaël grandirait, et partout, pour toujours, on le
nommerait « le fils d’Abram ». Nul ne se soucierait du ventre qui
l’avait enfanté.
    Oui, je songeais à tout cela avec un
sourire, tentant de me raisonner. Sentant bien, hélas, que je n’y parvenais
guère. Ainsi étais-je faite. Depuis le temps que je portais mon fardeau, jamais
je n’avais su m’y accoutumer.
    Puis, voilà qu’un matin, alors que je
voulais tremper un linge dans la rivière, je découvris de petites taches
sombres sur mes mains.
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