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Sarah

Sarah

Titel: Sarah
Autoren: Halter,Marek
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Irrégulières, pareilles aux marques d’une écorce. Le
soir, je les examinai encore.
    Elles me parurent plus sombres. Le
lendemain, dès mon réveil, je dressai mes mains dans le faible jour et les
scrutai. Les taches étaient là, bien visibles. Plus visibles même que la
veille !
    Dans les jours suivants, les muscles de mes
bras et de mes cuisses commencèrent à s’amenuiser. C’était tout mon corps qui
se transformait ! À mieux m’ausculter, je découvris sur mon ventre un pli
plus marqué que d’ordinaire. Le lendemain, un pli nouveau naissait. Et encore
le jour qui suivit. Mais oui, mon ventre se fripait ! J’ai examiné mes
seins : je les trouvais moins hauts, moins ronds. Pas flasques ni en pis
de chèvre, non, mais ils ne possédaient plus leur fermeté. Je les ai soupesés.
Ils s’étalaient sur ma paume. Ils se creusaient là où ils avaient été rebondis.
J’ai couru remplir d’eau une jatte à grand col pour scruter mon visage dans le
reflet. Des rides ! Des rides sous mes yeux, autour de mes yeux, sur le
haut de mes pommettes, au bord de mes narines, des dizaines de minuscules rides
autour de mes lèvres ! Et puis mes joues moins tendues, mon cou plus
relâché…
    Mon visage devenait celui d’une femme de
mon âge. Je vieillissais.
    J’ai bondi, hurlant de joie. Je me suis
mise à danser, gloussant de bonheur comme une fillette à son premier baiser.
Enfin, enfin je vieillissais ! C’en était fini de cette beauté de jeunesse
qui me collait aux membres et qui depuis si longtemps me voilait d’un faux
éclat !
    Pendant une lune au moins je n’ai cessé de
m’ausculter, de me mirer dans l’eau, comptant mes rides, mesurant la chute de
mes seins, les plis de mon ventre. Chaque fois constatant que cela
s’accomplissait bel et bien et me saoulant de bonheur.
    Si d’en bas, des tentes d’Abram, on me
voyait, on a dû penser : « Voilà que Saraï, toute seule sur sa pente
et livrée à sa jalousie, perd l’esprit pour de bon ! »
    Peu m’importait d’avoir l’air d’une folle.
Le temps enfin revenait dans mon corps. Comme on dépose un nouveau-né dans son
berceau, il me déposait dans l’apparence de mon âge. Et avec cet âge, avec ce
corps, mon tourment pouvait cesser : il n’était plus question d’enfanter.
Pour la première fois, depuis ma rencontre avec la kassaptu de la ville
basse à Ur, il était normal et naturel que le sang ne coule pas entre mes
cuisses.
    Oh, quel soulagement !
    « Peut-être, après tout, Yhwh m’a-t-il
entendue ? me suis-je dit. Il a entendu ta plainte. Ne pouvant changer ton
ventre, il brise enfin le prodige de ta beauté et t’apaise avec la douceur de
la vieillesse. »
    Voilà ce que j’ai cru ! Poussant
l’effronterie jusqu’à me tenir bien droite, les paumes ouvertes comme je
l’avais vu faire par Abram pour remercier Yhwh. Pour la première fois le priant
et le nommant mon Dieu Très-Haut. Quel orgueil !
    Quelque temps plus tard, Abram est monté
jusqu’à moi, le visage grave et soucieux. J’ai songé que quelque chose n’allait
pas avec Hagar ou son fils Ismaël. Peut-être voulait-il me demander de
m’éloigner plus encore ? Je me suis tenue prête. Prête aussi à la surprise
qu’il allait avoir en me voyant.
    Mais non. Il s’est immobilisé, fronçant un
peu plus le sourcil. Il a jeté un regard à peine intrigué sur mon cou et mon
front, mais sans prononcer un mot. Sans une question. En vérité, comment
pourrait-on surprendre un homme comme Abram, lui qui avait déjà les paupières
cernées, les joues molles et le dos un peu voûté ?
    Je l’ai fait asseoir confortablement, lui
ai apporté à boire et à manger. Lorsqu’il a enfin planté son regard dans le
mien, j’ai dit :
    — Je t’écoute, mon époux.
    — Yhwh m’a parlé ce matin. Il m’a annoncé :
« Je fais alliance avec toi. Tu seras le garant de notre alliance, toi
mais aussi tes enfants après toi et leurs enfants également. Et pour cela votre
prépuce sera circoncis, tous les mâles, tous les enfants de huit jours, en
signe d’alliance entre vous et Moi. Mon alliance s’inscrira dans votre
chair. »
    Abram s’est interrompu, le sourcil levé,
s’attendant à ce que je parle. Mais j’ai gardé la bouche close. Sur la
descendance d’Abram, j’avais déjà dit plus qu’il n’en fallait.
    Il a souri. Son premier sourire depuis
qu’il était en face de moi. Il a ajouté, comme s’il craignait que je n’aie
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