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Sarah

Sarah

Titel: Sarah
Autoren: Halter,Marek
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cachette, petite sotte. Depuis la première fois où tu es venue
ici ! Croyais-tu donc pouvoir échapper à ta vieille Sililli ? Au nom
du tout-puissant Ea, qu’est-ce qu’il t’a pris ? Croyais-tu pouvoir te
dérober aux lois sacrées d’Ur ? Pour aller où ? Pour rester en faute
ta vie entière ? Oh, ma petite fille ! Pourquoi n’es-tu pas venue me
voir ? Penses-tu être la première à avoir peur du sang des épouses ?
    Saraï voulut se justifier, mais la main de
Sililli se posa sur sa bouche.
    — Non ! Tu me raconteras tout
plus tard. Il ne faut pas que l’on nous voie ici. Grand Ea ! Qui sait ce
qu’il adviendrait de toi si l’on t’apercevait ainsi ? Tes tantes savent
déjà que tu es devenue femme. Elles t’attendent dans la chambre rouge. N’aie
crainte, elles ne te blâmeront pas si tu te présentes avant que le soleil soit
trop bas. Je t’ai apporté une cruche d’eau de citron et d’écorce de térébinthe
pour que tu puisses te laver les mains et le visage. Maintenant, jette ta
tunique souillée sous les tamaris. Je reviendrai la chercher pour la brûler.
Enveloppe-toi dans ce voile de lin. Fais bien attention d’éviter tes sœurs car
personne ne pourra empêcher ces pestes d’aller tout raconter à ton père.
    Saraï sentit à travers le tissu la main de
Sililli qui lui caressait la joue :
    — Fais ce que je te demande. Et sans
attendre. Ton père doit ignorer ton escapade.
    — Sililli !
    — Quoi encore ?
    — Seras-tu toi aussi dans la chambre
rouge ?
    — Bien sûr. Où veux-tu que je
sois ?
    *
    * *
    Propre, parfumée, son voile de lin noué sur
l’épaule droite, Saraï parvint à la cour des femmes sans rencontrer âme qui
vive. Elle avait rassemblé tout son courage pour atteindre la porte mystérieuse
qu’elle n’avait encore jamais approchée.
    De l’extérieur, la chambre rouge n’était
qu’un mur blanc tout en longueur, massif, sans fenêtre. Il occupait entièrement
l’espace au-dessous des habitations réservées aux femmes : épouse, sœurs,
filles, parentes et servantes d’Ichbi. Une sorte de portique en jonc,
soigneusement agencé et recouvert d’une abondante bignone aux fleurs ocre, en
dissimulait la porte. Ainsi pouvait-on en tous sens traverser la cour des
femmes sans jamais la voir.
    Saraï franchit le portique. Devant elle, la
porte de la chambre rouge était petite, double, d’un épais bois de cèdre, peinte
en rouge pour le bas et en bleu pour le haut.
    Saraï n’avait que quelques pas à faire pour
pousser cette porte. Mais elle ne bougea pas. On eût dit que des fils
invisibles retenaient ses membres. Était-ce la peur ?
    Comme toutes les filles de son âge, elle
avait entendu quantité d’histoires sur la chambre rouge. Comme toutes les
filles de son âge, elle savait que les femmes allaient s’y enfermer durant sept
jours une fois par mois. Lors des pleines lunes, elles s’y réunissaient pour
prononcer des vœux et des suppliques qu’on ne pouvait formuler nulle part
ailleurs. Elles y riaient, pleuraient, y partageaient leurs rêves et leurs
secrets en mangeant du miel, des gâteaux, des fruits. Parfois elles y mouraient
dans d’atroces souffrances. Il était arrivé à Saraï d’entendre, à travers les
murs épais, les hurlements d’un accouchement et, quelquefois, elle n’avait plus
revu celle qui y était entrée, heureuse de son gros ventre. Jamais un homme n’y
pénétrait, ni tentait même d’y glisser un regard. Les téméraires, les curieux
emportaient la souillure jusque dans l’enfer d’Ereschkigal.
    Mais, en vérité, elle savait très peu de ce
qui s’y passait. On se transmettait en chuchotant, entre sœurs et cousines, les
rumeurs les plus folles. Les filles-encore-fermées ignoraient ce qui
arrivait à celles qui pénétraient pour la première fois dans la chambre rouge.
Pas une des munus, les femmes-ouvertes, n’en dévoilait le secret.
    Le jour pour elle était venu. Qui pouvait
aller contre la volonté des dieux ? Sililli avait raison. Il était temps.
Elle ne pouvait demeurer en faute plus longtemps. Elle devait avoir le courage
de franchir cette porte.
    *
    * *
    Ses yeux, éblouis par la grande lumière du
dehors, s’accoutumèrent lentement à l’obscurité. Un mélange d’odeurs fortes
flottait dans l’air confiné. Elle reconnut le parfum de l’huile tirée des peaux
d’oranges et des amandes. Celui-ci se mêlait à l’odeur de l’huile de sésame que
l’on utilisait
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