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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville
Autoren: Robert Merle
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balancée au bout de son bras, quand je serai là-dedans, tu abaisseras
cette herse par où je vais entrer mais sans relever la seconde – laquelle
tu ne relèveras que sur mon exprès commandement.
    — Mais, Monsieur mon père,
dis-je effrayé assez, qu’allez-vous faire en cette nasse ?
    — Me cacher en une niche qui
s’ouvre à dextre, grande assez pour un homme, voiler la lanterne, et attendre.
    — Attendre qui ?
    — Jacotte.
    — Monsieur mon père, que
fais-je pendant ce temps ?
    — Tiens-toi prêt à relever la
herse du débouché et Miroul, à relever et abaisser la seconde. Ne te montre
point. La lune est haute.
    Je m’agenouillai hors de vue à
l’angle droit de la herse, mon œil scrutant le noir d’encre où avait disparu
mon père, tapi en sa niche comme renard en son gîte. Sa lanterne, bien qu’elle
fût voilée, laissait voir quelque lueur mais il savait merveilleusement
s’accoiser et j’eus beau écouter à doubles oreilles, je n’ouïs même pas son
souffle. En revanche, j’ouïs fort bien la course précipitée des sabots de
Jacotte sur la terre nue du souterrain.
    — Qui est là ? dit mon
père, mais sans du tout sortir de sa cachette, et sans dévoiler sa lanterne.
    — Jacotte.
    — Seule ?
    — Avec le pitchoune.
    Mon père dit alors ces mots qui
m’eussent fort étonné si je n’avais compris, à la guise dont« il les
prononça, qu’ils étaient convenus à l’avance :
    — Va bien le pitchoune,
Jacotte ?
    — Va bien.
    Ce qui sans doute voulait dire que
personne ne la pressait, l’épée aux reins, car mon père dévoila sa lanterne et
à bout de bras la tendit, mais sans montrer encore le reste de son corps. Je
vis alors la Jacotte, debout derrière la seconde herse, soufflant fort de sa
course dans le souterrain, l’œil fort effrayé et très pâle. Elle était seule,
en effet.
    — Miroul, la herse, dit mon
père.
    Miroul incontinent la releva et,
dès que Jacotte avança, l’abaissa derrière elle.
    — Pierre, la herse, dit mon
père.
    Je relevai la herse du débouché,
et mon père, prenant la bonne garce par le bras, sortit avec elle du
souterrain.
    Jacotte était une grande, robuste
et résolue mignote qui, d’un petit couteau qu’elle portait à la ceinture, avait
deux ans plus tôt occis un des quatre caïmans qui, la surprenant au pré un
soir, l’avaient voulu forcer au revers d’un talus. Coulondre Bras de Fer, qui
survint là par bonne chance, dépêcha les trois autres : raison pour
laquelle elle l’avait marié, combien qu’il eût le double de son âge. Et
cependant, si décidée que fût cette forte garce, elle frissonnait comme chienne
devant loup, non point pour elle-même mais pour son mari que, sur son
commandement, elle avait laissé au moulin.
    — Combien sont-ils ? dit
mon père, à voix étouffée.
    — Pas moins de douze et pas
plus de vingt.
    — Ont-ils des bâtons à
feu ?
    — Oui-da, mais point ne
tirent. Et pour vous obéir, Coulondre point davantage. Mais le pauvre,
poursuivit-elle d’une voix tremblante, ne peut tenir longtemps, ces gueux ont
entassé nos fagots devant la porte et y ont bouté le feu, et encore qu’elle
soit en vieux chêne, elle est bien pourtant pour cramer.
    — Elle cramera, dit mon père,
d’une voix coupante. Et ces vilains n’en pisseront pas plus roide. Miroul, va
me chercher Alazaïs ! En correr, drôle ! en correr !
    Miroul partit comme carreau
d’arbalète, et le peu de temps qu’il mit à revenir, Alazaïs sur ses talons, mon
père, sourcillant, se tira le nez entre le pouce et l’index, sans que j’osasse
piper, le voyant dans ses réflexions.
    Alazaïs, qui avait, disait mon
père, « la force de deux hommes, sans compter la force morale »
(étant huguenote sévère et imployable), apparut, son torse que pas un tétin ne
bombait couvert d’un corselet, deux pistolets à la ceinture et un coutelas au
côté senestre.
    — Alazaïs, dit mon père, toi
qui cours comme oiseau vole, va prévenir Cabusse au Breuil et Jonas à la
carrière qu’ils s’arment et qu’ils veillent. Il se pourrait qu’on les attaque,
eux aussi.
    — J’y vais, dit-elle.
    — Et dis à Escorgol de
m’envoyer Samson et mes cousins Siorac. Nous allons prêter la main à Coulondre
Bras de Fer.
    — Ha ! Moussu lou
Baron ! dit Jacotte d’une voix infiniment soulagée, mais elle ne put en
dire davantage, les larmes lui chaffourrant la face.
    — Jacotte, dit mon père
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