Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
(j’avais six ans), profitant
que mon père et nos soldats guerroyaient sous Calais, avait excité, soudoyé et
lancé contre Mespech une forte bande de Roumes qui l’avait failli prendre et à
qui l’oncle Sauveterre avait, la mort dans l’âme, rançon payé pour qu’ils
consentissent à se retirer.
    — Mais, Monsieur mon père,
dis-je, ce souterrain, s’il nous permet de secourir le moulin, ne peut-il, le
moulin pris, permettre à l’ennemi de nous envahir ?
    — Mon Pierre, dit Jean de
Siorac, observez d’abord que le souterrain débouche à l’intérieur du mur
d’enceinte et que là reste encore à franchir l’étang qui entoure nos murs, ce
qui ne peut se faire qu’en s’emparant des deux ponts-levis : celui qui
relie le pont à l’île et celui qui relie l’île au logis. En second lieu, le
débouché du souterrain est lui-même clos d’une herse fortement barreautée qui
ne se peut ouvrir que du dehors. Et qu’enfin, à dix toises en arrière de cette
première herse, tombe, à notre commandement, une deuxième, laquelle serre les
assaillants en une nasse et les livre à notre merci.
    — Et les livre à notre merci
comment ? dit mon beau Samson en ouvrant tout grand son œil azuréen et
zézayant sur le « merci » comme à l’accoutumée.
    — Par cette trappe que vous
voyez, dit mon père, on accède en se courbant au toit du souterrain en la
partie comprise entre les deux herses et ce toit est fait de planches
disjointes par lesquelles on peut d’en haut percer de piques, d’épieux, de
lances et s’ils ont cuirasses, d’arquebusades, les ennemis pris au piège.
    — N’est-ce pas pitié, dit mon
Samson avec un soupir, d’avoir à occire tant de gens ?
    — C’est pitié, dit Jean de
Siorac, mais pouvez-vous imaginer, s’ils prenaient Mespech, ce qu’ils feraient
de nous ? Et des garces de notre maison ?
    Ayant dit, il fit jouer les deux
herses en leurs logettes pour s’assurer qu’elles s’abaissaient et se relevaient
à sa volonté.
     
     
    Dans la nuit du 24 au
25 février, une semaine à peine écoulée depuis que Puymartin nous avait
fait tenir l’avertissement que j’ai dit, mon père entra dans ma chambre, une
lanterne allumée à la main, et me dit d’une voix fort calme de me lever et de
m’armer en guerre pour ce qu’il y avait lieu de craindre une surprise, Escorgol
ayant ouï quelque remuement du côté de notre moulin des Beunes, et aperçu
au-dessus des arbres une clarté comme si un feu y était mis. Incontinent, je
lui obéis, je m’armai en guerre et descendis dans la cour. La nuit était froide
et brillante et je trouvai là, réunis dans le plus grand silence, tous les
hommes du château et tous avec morion sur le chef, corselet sur le torse et
pique ou arquebuse au poing.
    Mon père, sa lanterne à la main,
avait deux pistolets à la ceinture.
    — Mon frère, dit-il à Sauveterre,
je prends avec moi Pierre, Samson, mes cousins Siorac et Miroul pour la défense
de l’enceinte autour de l’étang. Vous aurez Faujanet, François et Petromol pour
garder les remparts du logis. N’allumez pas les torches des murs et que
personne ne pipe mot. Nous allons étonner ces vilains. Il n’est pire surprise
que d’être surpris en croyant prendre.
    Je fus bien aise de ne pas quitter
mon père, bien assuré qu’à ses côtés, je verrais cette nuit-là quelque action
et serais à l’honneur, d’autant qu’ayant franchi les deux ponts-levis, il
envoya Samson et les frères Siorac patrouiller sur le chemin de ronde du mur
d’enceinte et ne garda avec lui que Miroul et moi, choix qui ne fut pas sans me
faire redresser la tête. Sa lanterne à la main, combien qu’elle ne fût pas
utile, la lune étant si brillante, mon père tira incontinent vers le souterrain
mais là, au lieu que de relever la première herse comme je cuidai qu’il allait
faire, il abaissa la seconde.
    — Quoi, mon père, dis-je à
voix basse, n’allons-nous pas prendre le souterrain et courir prêter la main à
Coulondre et à sa Jacotte ?
    — Le feriez-vous, si vous
étiez à ma place ?
    — Oui-da !
    Il sourit et, dans le clair de
lune, son œil brilla sous la visière de son morion.
    — Et vous auriez grand tort.
Savez-vous si l’ennemi n’est pas déjà à l’autre bout ?
    À quoi je me tus, le bec gelé et
fort marri de ma sottise. Et plus béant encore de voir mon père relever la
herse du débouché.
    — Mon Pierre, dit-il, la
lanterne
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher