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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville
Autoren: Robert Merle
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en
lui tapotant des deux mains le gras de l’épaule, va dire à Monsieur l’Écuyer
vers qui je m’en vais tirer, et qu’il ne branle mie avant mon retour. Et pour
toi, confie ton pitchoune à la Barberine au logis et reviens céans rabaisser la
herse après notre département.
    Ce qu’elle fit. Et nous voilà dans
le souterrain à courir comme fols, Samson, Miroul, les frères Siorac, moi et
mon père, lequel, combien qu’il eût alors cinquante-trois ans, bondissait comme
lièvre, la lanterne au bout du bras. Il est vrai que le souterrain était fort
pentu et dévalant, Mespech, comme son nom le dit bien, étant dressé sur un pech
et le moulin des Beunes dans une combe.
    Coulondre fut fort conforté de
nous voir apparaître en son moulin, encore que son visage long et triste comme
carême n’en laissât rien voir, et qu’il ne dît ni mot ni miette. La salle où le
souterrain débouchait était grande assez et sur le côté senestre comportait
cette porte où les assaillants tâchaient de bouter le feu, lequel on pouvait
ouïr crépiter à travers le chêne. Et sur le côté dextre, une sorte de barrière
à claire-voie qui donnait sur la porcherie où truies, porcelets et cochons
huchaient tous ensemble à oreilles étourdies, peut-être parce qu’ils sentaient
le péril où les flammes les mettaient.
    — Moussu lou Baron, dit
Coulondre à voix feutrée, allons-nous sauver les bêtes et les pousser dans le
souterrain ?
    — Non, dit mon père,
envisageant la porte derrière quoi on oyait le feu. Le temps nous fault et il y
a mieux à faire. Compagnons, poursuivit-il, entassez les sacs de grain afin de
nous remparer derrière, la porte du souterrain restant dans notre dos pour
fuir, si la nécessité le requiert. N’épargnez pas l’épaisseur, mettez le
rempart à hauteur de l’épaule afin que nous puissions, en arrière de ce
bouclier, nous dérober aux vues sinon aux arquebusades.
    Nous fîmes comme il avait commandé
et il nous donna la main, labourant autant et plus vite qu’aucun de nous, la
face fort animée et comme joyeux de tant se démener et se battre.
    Tout ce branle fit quelque bruit,
mais je gage que les gueux n’en purent rien ouïr, les porcs pendant cela menant
un vacarme à vous tympaniser. Quoi fait enfin, on se mit tous derrière notre
mur de grain, lequel était large d’une demi-toise et haut à poitrine d’homme,
avec quelques failles çà et là entre les sacs pour voir l’assaillant. Soufflant
alors sur les mèches des arquebuses et vérifiant l’amorce des pistolets, nous
attendîmes non sans une certaine fièvre et quelques cognements de cœur, mais
cependant bien aises dans le pensement que la porte du souterrain était
derrière nous.
    — Compagnons, dit mon père,
quand je dirai « À Dieu vat ! » sortez la tête, poussez des
hurlements étranges et tirez.
    — Ah ! Sûr que je vais
tirer, dit Coulondre Bras de Fer, et bien, et roide, et pour tuer. Quand je
pense que ces vilains me brûlent ma porte avec mes propres fagots !
    Il dit cela d’une voix chagrine,
mais chagrin il était ou paraissait toujours, étant fort taciturne et n’ouvrant
la bouche que pour parler lugubrement, encore qu’il eût mené fort bien sa
barque, ayant nos porcs et nos terres des Beunes à compte et demi, et, déjà
grison, marié une forte et belle jeunette qui lui faisait bonne usance.
    — Ha va, Coulondre ! dit
mon père qui l’aimait beaucoup, ayant été son capitaine dans la légion de
Normandie. Ha va ! Ne pleure pas ta porte ! J’ai à Mespech du beau
chêne sec et bien scié, et Faujanet, à mon commandement, te façonnera une porte
neuve, mieux remparée et aspée de fer que celle-ci !
    — La merci Dieu et à vous,
Moussu lou Baron ! dit Coulondre qui ne s’était plaint que pour qu’on lui
fît cette promesse.
    Et combien que son œil gris parût
triste encore, j’y crus voir quelque contentement. Et pour moi, j’étais content
aussi d’être là, le cœur cependant me battant, aux côtés de mon père et de
Samson comme au combat de la Lendrevie contre le Baron-boucher, sans compter
que l’affaire s’annonçait belle, car ses vilains croyaient le moulin vide et le
meunier à la veillée de Mespech, cette nuit-là étant celle du dimanche au
lundi, et Coulondre, selon le commandement de mon père, n’ayant ni pipé ni tiré
quand le branle avait commencé.
    — Mon Pierre, dit Jean de
Siorac à voix basse, je vous sais vaillant, ne le soyez
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