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Naissance de notre force

Naissance de notre force

Titel: Naissance de notre force
Autoren: Victor Serge
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appointements à 100 roubles par mois. Voici la
note écrite de sa main : « bon agent consciencieux connaissant à fond
les milieux d’émigrés… » Vous l’avez remercié par lettre le 4 juillet.
Voici votre lettre. (Ses paupières se ferment tout à fait, il sent sa tête près
de choir sur le dossier bleu de l’agent Le Matois.) Avez-vous des déclarations
à nous faire ?
    Tout chancelle autour de l’homme atterré qui est là. Cette
chambrette tangue comme une cabine de l’ Andros. Tout finit. Il fait non de la tête.
    – Pourquoi êtes-vous revenu ? interroge la femme
aux cheveux lissés, qu’on croirait une vieille gouvernante de grande maison.
    Il répond dans un souffle, étonné de sa propre réponse, parce
qu’elle vient du plus profond de lui-même :
    – Je ne pouvais pas vivre autrement.
    – C’est tout ?
    – C’est tout.
    – Allez.
    Sam se sent tout à coup bizarrement léger. Il recouvre son
sourire narquois, un peu tordu. Il fait un geste vers le fumeur ébouriffé, géorgien
ou turkmène au profil rapace :
    – Une cigarette ?
    La boîte coloriée porte un nom de femme : Ira. Diminutif
Irotchka… Ce serait une grande gosse châtaine…
    Sam est sorti. Le bouledogue prend devant lui, sur la table
un formulaire blanc.
    – Ton avis, Arkadi : au débet ?
    – Au débet.
    – Le vôtre, Maria Pavlovna ?
    – … Naturellement.
    Quatre lignes d’une écriture capricante, durement signée, barrent
le formulaire.
    – Qu’avons-nous encore, Arkadi ?
    – L’affaire de l’usine Wahl…
    Sam a trouvé l’antichambre vide. L’autre porte ouverte. – Ouverte !
l’étroit corridor est vide. Il va, à pas de loup, tendu tout entier, sans
pensée, soulevé par un espoir insensé…
    – Où allez-vous ?
    D’où surgit-il, ce Letton maudit ? Le fil magique est
rompu…
    – Aux cabinets.
    – Dans l’angle à droite.
    Ce réduit sent l’urine. L’électricité le remplit d’une
lumière indigente. Le verrou tiré, Sam défaille. Le coude contre le mur, la
face dans le creux du bras, il mord l’étoffe pour ne point sangloter. Plus de
salut, plus d’espoir, plus rien. Ira. Irotchka. Personne. Personne ne
saura que cet homme aux traits tranchants est là pareil à un enfant épouvanté
dans une débâcle totale…
    Le Letton n’a rien entendu. Sam reparaît, vieilli, maigri en
quatre minutes, mais droit, sec. Comme il va revenir sur ses pas, le Letton dit :
    – Ce n’est pas la peine. Passez devant.
    – Où allons-nous ?
    Le Letton répond avec une sorte de bienveillance terrible :
    – Patientez encore quelques instants.
    Ces corridors étouffants ressemblent aux galeries de quelque
cité souterraine. Une porte, au bas d’un escalier, et le froid bienfaisant du
grand air en plein visage, le doux craquement de la neige, où brillent des
paillettes d’argent, sous les pas. C’est une courette entre de hautes bâtisses
aux fenêtres noires, pareille à un puits de mine, mais crûment éclairée par une
ampoule électrique. Des étoiles scintillent là-haut. Sam, comme s’il
connaissait ce chemin que nul ne fait deux fois, se dirige vers un haut tas
rectangulaire de bûches couvertes de neige. La neige foulée a pris ici une teinte
brune ; une odeur fade en émane. Des écailles de bouleau luisent au bord
des écorces déchirées par la hache. La hache… Ici l’on use du revolver Nagan, fabriqué
à Seraing. Sam frissonnant ferme les yeux. Quelqu’un vient derrière lui. Il
doit être 11 h. 30.

35. Les lois brûlent.
    L’Office central des prisonniers de guerre et réfugiés ne
consentait à nous héberger, dans ses baraquements où sévissait le typhus, que
pendant quelques jours, car la circulaire 3499 du Conseil des commissaires du
peuple de la Commune du Nord venait de limiter ses attributions. Il nous
recommandait de nous adresser, pour simplifier les formalités, au Secrétariat
du Comité exécutif du Soviet. Ce Secrétariat nous dirigea, Sonnenschein et moi,
qui nous étions chargés d’assurer, au plus vite, des logements aux familles, sur
le service des rapatriements du Commissariat de la prévoyance sociale. Nous
obtînmes au Commissariat une recommandation impérative (deux signatures et un
sceau sur papier à en-tête imprimé au tampon de caoutchouc ; et en grosses
lettres, en travers, au crayon bleu, souligné : «  urgent  »…)
pour la sous-section des logements du Soviet du II e rayon. Ce Soviet
venait de
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