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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes
Autoren: David Camus
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assister à tout et ne rien s’épargner.
    — Je n’y arrive pas, dit le rebouteux d’une voix éraillée. Le mort gêne. L’autre ne peut pas sortir !
    Le rebouteux tirait sur l’enfant mort, tirait, tirait, mais le sort n’avait pas fini de s’acharner contre eux – l’enfant restait coincé. Ils y virent l’œuvre du diable, ou de Dieu (ils ne savaient plus), et se demandaient ce qu’ils avaient fait au ciel pour mériter pareille épreuve. Le petit cadavre s’accrochait si bien à sa mère que l’en sortir brutalement risquait de la tuer. Alors, le rebouteux se rappela sa précédente expérience de croque-mort, quand pour gagner de l’espace dans une tombe on procédait au regroupement des os, ôtant au corps humain le peu qu’il lui restait de son vivant – une vague forme anthropoïde.
    La violence de la scène qui suivit ne mérite pas d’être racontée. Je vous épargnerai donc ces détails. Sachez simplement que le rebouteux découpa le jumeau de Morgennes, à l’intérieur du ventre de sa mère, afin de l’en sortir morceau par morceau. Un petit bras, une petite tête, un torse, une jambe, qu’il déposa sur le sol, dans la poussière.
    Ce n’était pas une naissance, mais une exhumation.
    Ta mère s’était de nouveau évanouie, et ton père était trop choqué pour pleurer.
    Lorsqu’il y eut suffisamment de jour pour te permettre de passer, le rebouteux appela ton père, et lui dit :
    — Venez m’aider !
    Ton père s’approcha, le rebouteux lança :
    — Maintenant !
    Un cri s’éleva dans les airs, un cri de tout petit bébé.
    Morgennes était né.

2.
    « N’ai je pas vu aujourd’hui les plus belles créatures du monde, allant à travers la Gaste Forêt ? Ces êtres sont plus beaux, je pense, que Dieu et tous ses anges. »
    ( CHRÉTIEN DE TROYES ,
Perceval ou le Conte du Graal .)
    Enfant, tu passas de longues journées sur la petite tombe. Ton père l’avait creusée non loin de la maison, au sommet d’une colline. Il était sorti la nuit de ta naissance, pendant que ta mère te donnait les premiers soins, offrir au nouveau-né une sépulture décente. Alors qu’ils l’avaient suivi jusque chez lui, curieusement, les loups s’étaient écartés de son chemin, et l’avaient laissé enterrer son enfant. À l’aide d’une pelle, ton père avait ouvert la neige, la terre, y avait enfoui le petit cadavre, puis avait refermé le tout. L’ensemble avait, à la lumière du jour, un aspect légèrement bombé – comme si le corps avait été beaucoup plus grand qu’il ne l’était en vérité.
    Le lendemain de ta venue au monde, le rebouteux avait regagné sa cahute avec une pierre étrange, appelée draconite, que tes parents lui avaient remise en paiement de ses services. Ils ne devaient jamais se revoir, et je suppose que c’est très bien ainsi.
    Tes parents t’entourèrent d’amour mais restèrent profondément marqués par les circonstances, ô combien douloureuses, de ta naissance. Ils ne les oublièrent jamais, d’autant que tu avais, au bas du visage, une petite cicatrice blanche en forme de main.
    Était-ce la main de l’enfant mort ? Celle-ci semblait comme un adieu, une marque d’affection portée par un être à un autre qu’il aime, qu’il n’a jamais connu et ne connaîtra jamais.
    Un soir, alors que ton père était parti à ta recherche, il te trouva allongé sur la petite tombe – qu’aucune croix ne signalait. Que faisais-tu là, à parler dans le vide ? Ton père eut brusquement très peur. Jamais ni lui ni ta mère n’avaient mentionné devant toi cette sépulture, ni l’enfantelet qui s’y trouvait. Pourtant, tu étais là, couché sur ce renflement de terre, tel un dragon sur son trésor.
    Dès que tu vis ton père, tu te levas et courus te jeter dans ses bras. À cette époque, tu devais avoir dans les quatre ans, et tes petites jambes te portaient déjà loin – puisqu’il t’arrivait de faire de longues randonnées dans les bois, partant dès les premières lueurs du jour pour ne revenir qu’à la nuit tombée, lorsque ta mère sortait sur le perron pour te dire de rentrer.
    Une fois dans ses bras, tu t’exclamas :
    — Je sais !
    — Quoi ? fit ton père.
    — Je vais avoir une petite sœur !
    Ton père te regarda, interloqué. Une petite sœur ? Sa femme ne lui avait rien dit. Se mordant la lèvre inférieure, il se dépêcha de rentrer chez vous pour l’interroger :
    — Tu attends un
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